Lugano à la pointe de l’intelligence artificielle
Un institut pionnier de la discipline – l’IDSIA –, un centre de développement ouvert par UBS, un master universitaire sur le thème: un faisceau de compétences fait du Tessin un cluster de l’IA.

«On associe traditionnellement Lugano au tourisme et éventuellement aussi au hockey sur glace. Or, des technologies présentes dans tous les smartphones du monde ont été développées ici.» Le maire du chef-lieu ironise volontiers sur les performances sportives de sa ville. Représentant de la Lega dei Ticinesi, Marco Borradori se montre en revanche enthousiaste au sujet du cluster en intelligence artificielle (IA) qui émerge actuellement au Tessin.
«Plusieurs entreprises nées dans le canton sont en train de s’imposer au niveau international. Ces firmes, dont C-Labs, Qbt ou AntOptima attirent d’importants financements. Du côté des autorités, nous soutenons les nouvelles technologies par la création d’un «Lugano Living Lab». Cette entité a pour mission de faciliter l’interaction entre la science, les centres de recherche, l’administration publique et les entreprises. Les citoyens doivent aussi bénéficier du travail du Lab, dans la mesure où il doit renforcer l’attractivité de la région.»
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Derrière l’essor de ce pôle de compétences dans l’IA à Lugano, il y a la présence historique d’une institution pionnière. L’ IDSIA , Institut Dalle Molle d’études sur l’intelligence artificielle, a été créé en 1988 à Lugano par Angelo Dalle Molle. Ce dernier, d’abord connu comme l’inventeur de l’apéritif Cynar, était également passionné de technologie. L’IDSIA, consacrée à l’amélioration de la qualité de vie grâce au progrès scientifique, est aujourd’hui associée à l’Université de Suisse italienne ( USI ).
"Pape" de l’intelligence artificielle
L’IDSIA a pour codirecteur scientifique Jürgen Schmidhuber, expert d’origine allemande souvent désigné comme le pape ou le parrain de l’intelligence artificielle. Ses recherches sur les réseaux de neurones récurrents LSTM (Long Short-Term Memory Neural Network) sont à la base du développement de machines qui peuvent apprendre à partir d’analyse de données. Siri, l’assistant personnel des iPhone d’Apple ou le traducteur Google Translate reposent sur ses découvertes. Plus récemment, les travaux de son équipe ont mené au succès la startup DeepMind, rachetée par Google en 2014 pour la somme de 600 millions de dollars. «Un des trois cofondateurs, le Néo-Zélandais Shane Legg, est un de mes anciens étudiants», précise Jürgen Schmidhuber.
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Le scientifique est l’un des cinq cofondateurs de la startup très en vue Nnaisense . «Dans un avenir relativement proche, nous aurons des robots capables d’exécuter des tâches complexes telles que monter un smartphone ou fabriquer un T-shirt, uniquement à partir d’une démonstration visuelle et d’instructions orales. Il n’y aura pas besoin de le toucher ou de le guider. Ce sera comme enseigner à un enfant. Cet objectif est au cœur des activités de Nnaisence.» A la fin de l’année dernière, Schott, groupe d’investissement et géant industriel allemand, a investi un montant non révélé dans cette entreprise d’une trentaine de collaborateurs fondée en 2014 à Lugano. Fin 2017, Nnaisense s’est illustrée par une victoire lors du concours Learning to Run, à la conférence NIPS en Californie. Il fallait faire courir un torse humain simulé à travers un parcours d’obstacles. L’algorithme devait apprendre à se déplacer de manière entièrement autonome, à partir de ses erreurs.
Renommée internationale
Attirée par les promesses d’une collaboration avec l’IDSIA, UBS va de son côté implanter dans la même agglomération un centre de recherche dévolu à l’intelligence artificielle qui emploiera 80 personnes. Le cluster technologique s’étend encore au Centre suisse de calcul scientifique ( CSCS ), le superordinateur le plus rapide d’Europe, que le Tessin héberge à Lugano. En 2016, cette machine baptisée Piz Daint a été la première au monde à migrer sur le système Cray XC50, ce qui lui assure une place dans le top 10 des ordinateurs les plus puissants du monde.
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Afin de former des spécialistes, l’Université de la Suisse italienne (USI) a lancé en 2017 un master en IA qui réunit sur deux volées une quarantaine de participants venus du monde entier. «Nos diplômés sont recrutés avant même d’avoir obtenu leur titre», sourit Antonio Carzaniga, doyen de la Faculté d’informatique de l’USI. Nombre d’informaticiens formés à Lugano partent à Zurich chez Google où le géant multimédia emploie 2500 personnes. «Notre vocation n’est pas de concurrencer le MIT à Harvard, ni même les Ecoles polytechniques fédérales de Zurich et Lausanne. Nos moyens restent dérisoires en comparaison, reprend Antonio Carzaniga. Néanmoins, la région présente un faisceau de compétences vraiment intéressantes dans l’IA.» L’intelligence artificielle est aujourd’hui partout. «Nous avons par exemple un étudiant en stage à Berlin chez Zalando, leader de la vente de confection en ligne. Ses tâches consistent à analyser les tendances, optimiser la logistique et affiner le profil des clients.»
Avec le Lugano Living Lab, un écosystème favorisant l’éclosion de startups est en train de se mettre en place. Jouissant d’une qualité de vie dopée par quelque 240 jours d’ensoleillement par an, le microcosme tessinois séduit des sommités internationales. Professeur à l’USI Lugano ainsi qu’à l’Imperial College de Londres, Michael Bronstein a récemment été distingué pour ses travaux sur l’identification automatique des fake news. Fondateur de la startup Fabula AI , ce spécialiste en «deep learning» a reçu des bourses convoitées de la part de l’Union européenne, ainsi que des soutiens financiers de Google et de Facebook.

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