L’exemple d’un crowdfunding à succès
Le financement participatif permet de lever des fonds rapidement sans devoir emprunter à une quelconque entité. Les projets à succès ont tous quelque chose en commun: ils ont été passablement travaillés. Exemple avec l’horlogerie.

A six jours de la fin de son Kickstarter, la marque Furlan Marri a déjà levé plus d’un million de francs. La marque horlogère représente un nouvel acteur sur un marché passablement occupé. «Nous ne voulons pas nous inventer une histoire», explique son co-fondateur et designer Andrea Furlan. Le discours rappelle celui de Norqain, une marque basée à Nidau qui a de son côté choisi les canaux de distribution traditionnels.
Andrea Furlan et son équipe ont opté pour un lancement via un financement participatif. L’objectif est largement atteint, avec plus d’un million sur les 75’000 francs demandés. La preuve que le concept fonctionne, et que ce modèle de financement demeure efficace si bien utilisé. Thierry Huron, fondateur «The Mercury Project», remarque qu’il y a beaucoup moins de projets horlogers lancés sur Kickstarter. «Ces projets totalisent bien moins d’argent qu’auparavant», affirme l’expert, avant de mentionner la situation de l’entrée de gamme: «Ce sont eux qui ont enregistré la plus grande chute, avec un recul de 70%.»

Les réussites
Davantage qu’une idée, un kickstarter doit se lancer lorsque le produit est suffisamment mature pour le marché. «Certains croient que Kickstarter est la poule aux œufs d’or, alors qu'il y a des règles à respecter», note Thierry Huron.
L’une d’entre elles est de construire son identité ainsi que sa communauté avant même de se lancer dans le financement. C’est par exemple ce qu’a fait Code41 à son lancement. La marque vaudoise a passablement travaillé son public avant de lancer son premier modèle. Cela a permis de récolter plus de deux millions en 72 heures.
Quelque chose de différent
Comme toute marque indépendante, Furlan Marri se doit d’être différente de ses concurrents. L’inspiration, Andrea Furlan la trouve dans des modèles des années 50. Le designer évoque les premiers boîtiers étanches fabriquée par François Borgel, qui seront par la suite rachetés par Patek Philippe.
«J’ai effectué une dizaine de stages dans des maisons horlogères. J’ai notamment passé une semaine intense chez Hublot, et Jean-Claude Biver avait parlé avec moi de mes dessins. Chez Chopard, j’ai aussi dessiné pour Roger Federer», se souvient-il. Après son bachelor, le Genevois a travaillé pour Dominique Renaud. «J’ai pu dessiner la montre DR01, une montre à un million de francs suisse» évoque-t-il. Autant d’expériences qui lui ont permis de bien connaître ce milieu de l’horlogerie.
Le co-fondateur, l’autre personne qui donne son nom à la marque, est Hamad Al Marri. «C’est lui qui a financé le projet», assure son associé. Le collectionneur de montres basé en Arabie Saoudite et le Genevois sont en contact permanent. Zoom, Slack: ils s’échangent les derniers schémas et rendus 3D. La pandémie les a convaincus de se lancer dans ce projet, même si l’un vit en Suisse et l’autre à Riyad.
La marque est ainsi déjà présente sur deux marchés, avec de nombreux points de contact un peu partout - y compris chez les fournisseurs. «J’ai travaillé un moment en Asie. La manière de travailler de certains est catastrophique», s’indigne Andrea Furlan. Ce problème, il tenait absolument à l’éviter, d’autant plus que c’est éliminatoire auprès des clients. «Que ce soit Swiss made ou non, il y a eu des produits qui n’étaient tout simplement pas de bonne qualité», déplore Thierry Huron. Des marques qui prennent des stocks existants, qui gravent leur marque sur le cadran et qui la vendent sur Kickstarter est un problème connu.
La difficulté du Made in Switzerland
Furlan Marri fabrique ses montres en Asie, d’où le prix des montres inférieur à 500 francs. La transparence fait partie des éléments fondamentaux pour gagner la confiance du public, et ensuite transformer cette même confiance en acte d’achat. C’est pourquoi Code41 a fonctionné, c’est aussi pourquoi Thomas Baillod rencontre du succès avec son concept d’afluendor. Ces entrepreneurs ont tous en commun la volonté de transparence et de montrer leur vision de l’horlogerie au public. Être une marque suisse confère déjà une belle aura. Le Swiss made est une étape supplémentaire que les marques positionnées dans des gammes de prix basses ont de la peine à franchir. La faute aux coûts de fabrication asiatiques, qui défient toute concurrence.
L’horlogerie demeure un secteur compliqué à appréhender, et certains s’y sont cassé les dents. «On m’a pas mal descendu», lance Andrea Furlan. «Quant au financement, je doute que les banques auraient accepté un tel projet horloger en 2020/2021. Les investisseurs privés voulaient eux entrer au capital». La réussite du financement participatif donne raison aux entrepreneurs.