Les géants du web recrutent les managers stars de Wall Street
«La star de la finance à Wall Street s'en va vers la Silicon Valley»: les grands médias américains constatent une défection de plus dans l'univers de la finance newyorkaise au profit des géants du web et de la tech. Mais celle-ci est de poids: c'est la femme la plus puissante du New York Stock Exchange, Chief financial officer (CFO) de Morgan Stanley, qui va rejoindre Google. Ruth Porat avait pourtant traversé avec brio la crise financière de 2008, prenant le lead du groupe de conseillers qui avaient eu leurs entrées à la Maison Blanche pour piloter les stratégies concernant AIG, Fannie Mae et Freddie Mac. Mais c'est désormais du côté de Mountain View, siège de Google, qu'elle exercera ses fonctions de CFO, dès fin mai.
Certes, le parcours de Ruth Porat la prédestinait à un retour vers l'univers de la tech tôt ou tard: elle a débuté sa carrière dans la Silicon Valley avant d'intégrer les grandes firmes financières newyorkaises. Mais ses déclarations au moment d'annoncer son départ ne laissent que peu de doutes: l'accomplissement, pour cette financière de grand talent, se situe désormais en Californie et non à Wall Street. «J'ai eu l'opportunité de vivre directement comment les sociétés de la tech peuvent aider les gens dans leur vie quotidienne. Je suis impatiente de retrousser mes manches et de commencer», a-t-elle déclaré.
Anthony Noto, de Goldman Sachs à Twitter
Si le départ de Ruth Porat fait grand bruit, il n'est pas isolé. C'est à un exode sinon massif du moins stratégique que les granes institutions bancaires et financières de Wall Street sont confrontées. L'économie traditionnelle voit ses meilleurs talents rejoindre les nouvelles forces du digital. En mai dernier, Anthony Noto, CFO de Goldman Sachs quittait ses fonctions pour rejoindre d'abord Coatue Management, un hedge fond basé à New York, puis quelques jours plus tard, devenir le CFO de Twitter. Pendant quinze ans, il avait oeuvré au sein de la grande banque, gravissant les échelons et récoltant les distinctions de la part des observateurs.
Ces deux exemples sont les plus emblématiques d'un large mouvement qui voit les acteurs les plus brillants ou les plus prometteurs de la finance opter pour le secteur tech. Selon une étude menée par la Harvard Business School, la part des diplômés d'un MBA de Harvard optant pour la branche des services financiers est passée de 42 à 33% entre 2006 et 2014, tandis que la part de ceux choisissant le secteur tech passait de 8 à 18%. Salaires attractifs, image positive et non ternie par des scandales à répétition, perspectives de carrière avantageuses et cadre de vie agréable: les startups et géants de la tech ont de sérieux atouts. D'autant plus qu'ils sont réputés pour donner leur chance aux jeunes collaborateurs, chance symbolisée par les âges peu élevés de la plupart des dirigeants de la branche.
Ces parcours rappellent celui de Sheryl Sandberg. La Chief operating officer (COO) de Facebook est sortie diplômée de Harvard et a débuté sa carrière à la Banque Mondiale avant de travailler plusieurs années au sein de McKinsey & Company. C'est ensuite qu'elle a rejoint Google dans un premier temps puis Facebook quand Mark Zuckerberg a repéré son talent. Tout aussi célèbre: Jeff Bezos, fondateur et CEO d'Amazon, a été vice-président de Bankers Trust avant de créer le géant mondial du e-commerce.
A la Maison Blanche aussi
Les cas ne sont pas isolés et limités aux postes de hauts dirigeants. Nombre de traders ont délaissé une prometteuse carrière dans des banques, des assurances ou des fonds de placement pour rallier le secteur tech. Alexa Von Tobel, analyste chez Morgan Stanley, a quitté son poste pour fonder Learnvest, une société de services financiers destinés aux femmes. Vinicius Vacanti était analyste chez Merrill Lynch avant de créer Yipit, une plateforme qui rassemble des offres de divers sites d'e-commerce. Mario Schlosser était associé chez Bridgewater avant de rejoindre le studio de jeux vidéo Vostu.
Ces cas ressemblent à ceux de David Plouffe et Jay Carney, deux conseillers proches de Barack Obama, David Plouffe et Jay Carney, qui ont quitté l'administration du président démocrate l'an dernier pour rejoindre respectivement Uber et Amazon. Plus de 150 ans après la ruée vers l'or de la Californie, il semble que la côte Ouest des Etats-Unis soit redevenue un pôle majeur d'attraction pour toutes les couches de la population, et pour les élites décisionnelles en particulier.
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