Les dessous de l'expédition martienne d'Elon Musk
Elon Musk dévoilera son vaisseau spatial Terre-Mars au public d’ici fin 2015, comme il vient de le promettre sur Reddit. Peu d’informations circulent sur son projet. Une chose est sûre : l’objet aura une « architecture entièrement neuve », selon ses mots. Elle servira l’objectif initial du milliardaire sud-africain, inchangé depuis 2007 : poser un vaisseau de cent personnes sur Mars afin de démarrer une colonisation de la planète rouge.
En attendant, les spécialistes passent au crible les annonces savamment distillées par le fondateur de PayPal et Tesla qui a contribué à révolutionner l’industrie spatiale avec Space X. Créée en 2002, la firme est aujourd'hui avec Orbital Sciences l’une des deux sociétés privées à collaborer avec la Nasa pour ravitailler la station spatiale internationale.
Parmi ceux qui suivent l’aventure martienne de près : Richard Heidmann, invité mardi soir du Swiss Space Center, à l’EPFL, aux côtés de la Mars Society Switzerland. Pour cet ingénieur en propulsion spatiale, voici ce qui est « raisonnablement plausible » quand à un futur vaisseau terre-Mars conçu par Space X.
Il sera « récupérable ».
C’est le mot-clé de la stratégie de Space X, pour diminuer les coûts d’accès à l’espace et changer radicalement l’industrie. Si pour le moment les premières expériences de fusées réutilisables se sont soldés par des échecs, les progrès sont constants. Les images choc du crash, le 9 janvier dernier, d’un étage de Falcon 9 sur une barge ne font pas oublier que la descente s’est déroulée en grande partie comme prévu, à l’endroit convenu. De plus, avec Falcon Heavy dont le premier vol est prévu en 2015, Space X se fixe désormais l’objectif de récupérer la totalité de l'appareil, et non plus seulement un étage.
Ce sera un mono-vaisseau
L’objectif de faire atterrir l’ensemble du vaisseau sur Mars implique une architecture « simple », « probablement dans le style d’une navette », explique l’ingénieur qui est allé jusqu’à imaginer une sorte de shuttle d’une quarantaine de mètres de long. Le compromis idéal entre une fusée et un avion.
Il utilisera un moteur Raptor, fonctionnant à l’oxygène et au méthane.
Le mélange oxygène et méthane présenté en 2014 par Space X remplacera le carburant actuel, à base d’hydrogène ou de kérosène. Moins cher, le méthane endommage également moins les moteurs. Mieux, on peut le produire sur Mars : une condition indispensable pour assurer le voyage retour. « Ce mélange sera facile à stocker et à produire. Mais l’enjeu est la fiabilité des appareils à mettre en oeuvre. Il faut un mélange qui soit capable de fonctionner longtemps sans panne », souligne Richard Heidmann. La durée estimée d’un trajet aller vers la planète rouge est en effet de...six mois.
Son lanceur sera monumental
Dans ses déclarations les plus récentes, Elon Musk évoque « 100 tonnes de charge utiles » déposées sur Mars. Un chiffre cohérent avec celui d’une centaine de passagers, si l’on compte pour chacun d’eux « 500 kilos de nourriture et d’approvisionnement » selon Richard Heidmann, ainsi que cinquante tonnes de matériel. Ce qui suppose 600 tonnes de charge utile à placer en orbite basse, en incluant le poids du carburant, soit une masse de 12500 tonnes au décollage. Ce qui devrait nécessiter un lanceur gigantesque - et non un assemblage de trois fusées- qui pourrait faire 20 mètres de diamètre, 130 mètres de haut, et mobiliser 61 moteurs. L’équivalent d’une tour Eiffel !
Restent un grand nombre d’inconnues. Notamment les phases d’atterrissage du vaisseau qui restent l’une des étapes les plus délicates...et le financement d'un tel voyage.