Le digital intimide encore les médecins

Faute de formation et de moyens, peu de médecins pratiquent les consultations à distance.
Crédits: Ariel Skelley/GettyA l’heure de Skype, des Hangouts et autres moyens de communication à distance, pourquoi est-il encore si compliqué de consulter son médecin généraliste via internet? Du côté des patients, la demande est là. Medgate, entreprise de consultation et de conseils médicaux
à distance basée à Bâle, a réalisé 725 000 consultations à distance en 2015, dont une grande majorité par téléphone, et enregistre 5000 appels les jours d’affluence. TonDocteur.ch, plate-forme de consultation vidéo en ligne lancée en 2015, ne traite pour le moment qu’une dizaine de patients par mois, mais ce chiffre, comme pour Medgate, est en «augmentation constante», remarque Nicolas Emberger, responsable marketing de tondocteur.ch. Mais rares sont encore les médecins à proposer leurs services en ligne.
Faute, d’abord, «de formations et de connaissances», pointe Jean Gabriel Jeannot, médecin à Neuchâtel, qui travaille sur des projets de santé digitale à la Policlinique médicale universitaire (PMU) de Lausanne et grand défenseur de l’utilisation des possibilités offertes par le numérique dans le domaine de la santé.
La faute également à un écosystème encore mal organisé. «Le monde médical est encore insuffisamment digitalisé. Et quand un acteur du système est informatisé, son système ne sait souvent pas communiquer avec un autre partenaire. Le projet de dossier électronique du patient prévoit de surmonter cela. Mais la participation des professionnels étant facultative, il n’est pas encore sûr que votre médecin transmette vos données dans votre dossier électronique», regrette Jean Gabriel Jeannot.
Enfin, peu d’outils de téléconsultation adaptés sont mis à disposition des médecins. Tondocteur.ch a lancé d’ailleurs en septembre un nouveau service permettant aux professionnels de créer leur propre site médical, intégrant téléconsultation et prise de rendez-vous. L’objectif: assurer un suivi thérapeutique par le même professionnel de santé, et non des consultations «au hasard».
Reste enfin la question financière: «La télémédecine exige des logiciels spécialisés, capables par exemple d’afficher des images en haute qualité et d’assurer une totale sécurité des données: cela a un coût non négligeable pour les médecins qui souhaitent s’équiper», remarque Yvonne Gilli, médecin et responsable du département numérisation/eHealth de la Fédération des médecins suisses (FMH).
Les médias sociaux très utilisés
Pourtant, la digitalisation n’a pas épargné le corps médical. Ainsi, la communication par e-mail devrait à l’avenir devenir toujours plus fréquente, notamment pour communiquer une simple analyse de résultat. Le système de tarification TarMed se basant sur la durée d’un acte médical, l’envoi d’un courrier électronique peut donc être facturé en fonction du temps nécessaire à sa rédaction.
Mais comment procéder pour annoncer de mauvaises nouvelles par écrit? «Il faut utiliser les bons mots. Je précise toujours que je suis disponible pour en parler par téléphone ou en consultation», explique Jean Gabriel Jeannot, rompu à l’utilisation de la communication électronique. D’autres ont opté pour les réseaux sociaux: Facebook, Twitter, WhatsApp. Pionniers, les Hôpitaux universitaires de Genève font office d’exemple à suivre en la matière. Signe que la pratique est désormais répandue, la FMH a édité en ligne un guide des bonnes pratiques à ce sujet, soulignant notamment l’importance de disposer d’un compte professionnel et de garantir la confidentialité des données échangées.