L’Iran réplique tous les géants de la tech
Facebook et Twitter sont encore officiellement bloqués. L’accès à internet varie selon la volonté des autorités, tandis que les infrastructures évoluent peu. Pourtant, la jeune population d’Iran, bardée de diplômes, est ultraconnectée, avec l’appui des réseaux privés virtuels. Une société de toutes les contradictions? Très certainement.
«Ces dernières années, l’embargo international imposé au pays en réponse à son programme nucléaire a, paradoxalement, bien stimulé l’innovation sur le marché domestique, explique Igor Ovcharenko, responsable de la région Moyen-Orient pour le concours de start-up émergentes Seedstars World. Les entrepreneurs locaux cherchent à remplir le vide créé par les sanctions, et en particulier par l’interdiction des transferts bancaires internationaux.» Comment? En répliquant les géants de la tech, «tout en s’adaptant aux besoins des consommateurs iraniens», ajoute-t-il.
Parmi les jeunes entreprises les plus connues, Dijikala se veut le pendant d’Amazon, devenue l’une des plus grandes plateformes d’e-commerce du Moyen-Orient. Les internautes partagent leurs vidéos sur Aparat comme ils le feraient sur YouTube et achètent leurs apps mobiles sur la boutique en ligne Cafe Bazaar, une réplique de Google Play.
«L’écosystème reste encore très jeune. Si les domaines hautement qualifiés tels que la nanotech et la biotech dominent l’innovation iranienne, les start-up actives dans le commerce en ligne et les fintechs se développent très rapidement ces deux dernières années», constate Alireza Jozi, cofondateur de TechRasa, le plus grand site iranien d’information sur la technologie.
La plateforme soutient tout type d’événement lié aux jeunes entreprises locales. «Notre objectif: promouvoir la scène entrepreneuriale du pays et la faire grandir. Nous allons lancer une compétition de start-up en mai prochain», ajoute-t-il.
Le progressiste Hassan Rouhani, élu en 2013, soutient financièrement des incubateurs et des parcs technologiques, comme le Pardis Technology Park, à quelques dizaines de kilomètres de Téhéran. Tremplin pour une dizaine de projets innovants dans la technologie, Avatech est considéré comme l’un des plus importants accélérateurs du pays. Derrière lui, le serial entrepreneur Said Rahmani. Ce capital-risqueur a misé sur les premières start-up à succès du pays comme Digikala et Cafe Bazaar. Il aurait levé quelque 10 millions de dollars auprès d’investisseurs locaux ces dernières années.
«Si les universités iraniennes forment des ingénieurs et des développeurs informatiques de haut vol, il reste difficile de lancer sa propre entreprise sans l’aide du gouvernement, souligne Igor Ovcharenko. Cependant, les financements de premier tour par des business angels prennent de l’ampleur.»
La diaspora, un atout majeur
De nombreux investisseurs étrangers ont déjà mis un pied en Iran. Dans l’attente que la levée des sanctions, prononcée en janvier, se ressente sur l’économie du pays. «Si une entreprise étrangère veut réussir en Iran, il est nécessaire d’être là avant tout le monde», prévient Igor Ovcharenko. Rocket Internet, l’usine allemande à start-up qui a accouché de fleurons du commerce en ligne comme Zalando, est par exemple «sur place depuis quelques années déjà».
Pour Alireza Jozi, 2016 s’annonce comme une grande année pour l’écosystème des start-up. Son plus grand atout? «La diaspora. Avec l’ouverture du pays, les Iraniens de l’étranger sont de plus en plus nombreux à rentrer pour lancer des entreprises et investir.»