L'Allemagne veut empêcher Facebook de diffuser de fausses informations
Pointés du doigt pour leur rôle dans la victoire de Donald Trump, les réseaux sociaux sont sous surveillance quant aux informations qu'ils diffusent. En Allemagne, une réflexion est menée pour punir par le porte-monnaie les réseaux sociaux qui ne suppriment pas l'intox en ligne.
Il y a les mensonges conscients et stratégiques. A l'image de celui mené par les membres du parti UKIP pendant la campagne du Brexit en juin dernier: les 350 millions de livres Sterling de contribution du pays allaient, une fois le royaume hors de l'Union Européenne, être redirigés vers le système de santé anglais. Or, dès le lendemain du succès des partisans du Brexit, Nigel Farage, leader de UKIP, avouait que cette promesse était dès l'origine un mensonge car lui et ses partisans étaient conscients depuis le départ qu'elle ne pourrait être tenue. Or, plusieurs enquêtes ont révélé depuis lors que cette affirmation, largement diffusée via les réseaux sociaux, avait convaincu de nombreux électeurs britanniques.
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Il y a les rumeurs extravagantes et pourtant largement partagées, parce qu'elles contribuent à construire la «légende noire» d'un(e) adversaire. Au début de l'automne, James Alefantis, propriétaire de la pizzeria Comet Ping Pong à Washington, DC, reçoit des centaines de menaces de mort par courriers anonymes et via les réseaux sociaux: son restaurant serait le quartier général d'un réseau pédophile dirigé par John Podesta, ancien directeur de campagne de Hillary Clinton, et celle qui est alors candidate démocrate serait complice de ces agissements. Propagée par des partisans de Donald Trump, la rumeur enfle sur les réseaux sociaux et le hashtag #pizzagate devient l'un des plus recherchés sur Twitter.
Peu après la victoire de Trump, un homme armé entre dans le restaurant et exige que les caves lui soient ouvertes. Pour se faire obéir, il fait feu dans l'établissement sans blesser personne. Fort heureusement, la police rapidement arrivée sur place arrive à le maîtriser sans qu'il n'ait blessé personne.
Les annonces de Mark Zuckerberg
Et enfin il y a la masse de posts haineux, de déferlements de thèses racistes, antisémites, révisionistes voire négationistes qui tous les jours se succèdent sur les fils Facebook ou Twitter de milliers de personnes qui les postent ou les relaient sciemment ou non. A l'instar de ce tweet de Henri de Lesquen, candidat d'extrême-droite à l'élection présidentielle française, qui mêle religion et génétique.
Face à ces informations fausses, ces propos haineux et ces raccourcis truffés d'erreurs, les réseaux sociaux sont longtemps restés impassibles. Au nom de la liberté d'expression, les dirigeants de Facebook, Twitter et autres portails de partage de contenus ont refusé d'intervenir dans la surveillance des publications. Mais les polémiques se sont multipliées ces derniers mois, avec des résultats de scrutins au moins influencés sinon déterminés par de tels messages diffusés et relayés par les réseaux sociaux. Face à ces accusations, souvent appuyées sur des enquêtes d'opinion auprès des électeurs pour savoir comment ils s'informent avant de faire leurs choix civiques, plusieurs compagnies ont réagi: Mark Zuckerberg a annoncé voici quelques jours que Facebook allait mettre en place «une détection renforcée», une procédure simplifiée de signalement par les utilisateurs et «une vérification par des parties tierces», comme par exemple «des organisations respectées de vérification des faits».
Des promesses qui n'ont pas sastisfait de nombreux élus allemands. Alors que nos voisins d'outre-Rhin se préparent à une année électorale tendue avec la montée en puissance de mouvements xénophobes, des hommes et femmes politiques ont évoqué un durcissement de la législation pour contraindre les réseaux sociaux (et Facebook au premier rang) à lutter efficacement contre les rumeurs et informations erronées. «Facebook n’a pas saisi l’occasion de réguler lui-même cette question de la gestion des plaintes. Désormais, les plateformes dominant le marché comme Facebook seront tenues par la loi de mettre en place en Allemagne un office de protection légale ouvert 24 heures sur 24, 365 jours par an», a notamment déclaré Thomas Opperman, président du groupe SPD (centre-gauche) au Bundestag, dans une interview accordée au Spiegel .
Une évaluation avant la loi
Un arsenal juridique serait en effet en préparation pour contrer les rumeurs en ligne (ou hoax) et autres publications mensongères. Partenaire du SPD dans la grande coalition fédérale, la CDU (centre-droit) se veut tout aussi ferme. Volker Kauder, homologue de Thomas Oppermann pour la CDU, demande depuis plusieurs mois que les réseaux sociaux soient tenus responsables des publications erronées et passibles de sanctions de leurs abonnés. «On ne devrait pas tolérer que la haine ou les fausses informations en ligne viennent nous influencer en vue des échéances électorales, comme cela a été le cas aux Etats-Unis», a répété le président du groupe CDU au Bundestag, dans des propos rapportés par la Frankfurter Allgemeine Zeitung .
Volker Kauder évoque des pénalités financières pour les réseaux sociaux qui ne filtreraient pas en amont ou ne supprimeraient pas très rapidement les publications haineuses ou mensongères de leurs abonnés. S'il n'en définit pas le montant, Thomas Oppermann évoque quant à lui la somme de 500'000€ par publication concernée. Mais l'arsenal législatif envisagé par la chambre basse du parlement allemand va plus loin: le projet actuellement envisagé prévoit que les réseaux sociaux devront mettre en place des offices afin de recueillir les plaintes de personnes visées par des messages haineux, mais aussi être capables de les supprimer dans un délai maximum de 24 heures.
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Et le mouvement ne touche pas que les dirigeants des partis. Ministre fédéral de la justice, Heiko Maas (SPD) pose, dans un entretien accordé à la Süddeutsche Zeitung , le droit allemand comme référence pour les publications visibles par les internautes allemands. «Nous attendons des améliorations significatives des pratiques de Facebook pour l'effacement des publications», a-t-il averti, ajoutant que la liberté d'expression «doit être assortie de limites». Et d'avertir Mark Zuckerberg: «Nous avons formulé des exigences claires auprès de Facebook. Nous allons évaluer jusqu'au début de l'année prochaine, via une structure externe, les modalités pratiques de suppression des contenus en infraction pénale», et si la réaction de Facebook n'était pas à la hauteur des attentes de Berlin, «nous prendrons des mesures rapides par le biais de la loi».
D'autres pays vont observer le cas allemand
De nombreux obstacles se dressent toutefois devant les législateurs allemands. En premier lieu les questions de territorialité: comment incriminer des posts qui pourraient être faits depuis l'étranger, ou consultés hors du territoire allemand? Quelle entité juridique de Facebook la justice pourrait-elle poursuivre pour des publications en ligne et difficilement localisables? Comment surveiller les dizaines de millions de publications quotidiennes sur les réseaux sociaux et veiller à leur retrait dans un délai très court? A qui confier la vérification de la véracité des informations publiées ou partagées? Comment distinguer les informations erronées de sites parodiques de celles véhiculées par des personnes avec des intentions politiques manifestes?
Cependant, la volonté allemande s'inscrit dans un mouvement plus vaste de questionnement autour des contenus publiés sur les réseaux sociaux. Et la démarche des élus du Bundestag sera observée par des élus d'autres pays. Plusieurs partenaires européens ont des échéances électorales en 2017 et craignent une montée des partis populistes, de droite comme de gauche, favorisés par des militants très actifs sur les réseaux sociaux pour diffuser une information orientée, voire erronée.
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