Et si on augmentait plutôt les chauffeurs?
Des recherches menées par l’EPFL avec Nissan suggèrent une piste alternative à la voiture autonome: des interfaces cerveau-machine pour améliorer les capacités du pilote.

Le développement de voitures autonomes par la plupart des constructeurs automobiles bute sur des obstacles. D’Elaine Herzberg, la piétonne écrasée par un véhicule autonome d’Uber dans l’Arizona aux difficultés rencontrées lors d’essais dans la neige ou sous la pluie, il semble bien que l’intuition humaine soit en définitive plus indispensable à la conduite que prévu. Sans compter le plaisir et la volonté de garder le contrôle des conducteurs.
Ainsi, Nissan, qui prévoit la maturité des voitures autonomes d’ici à 2025, mène aussi depuis 2011 d’autres recherches avec le groupe du titulaire de la chaire Defitech en interface Cerveau Machine (CNBI) de l’EPFL, le professeur José del R. Millán. L’idée est de voir s’il n’est pas possible d’améliorer les capacités cognitives des conducteurs afin de réduire les accidents ou d’améliorer l’apprentissage. Après tout, s’il y a chaque année trois fois plus de morts sur les routes américaines (12,4 pour 100 000 habitants) que sur les routes allemandes (3,9), c’est en partie parce qu’obtenir son permis est une autre paire de manches à Francfort qu’à New York.
Un casque bourré de capteurs - -
Inspirées par des travaux permettant à des personnes paraplégiques de commander un fauteuil roulant par la pensée, ces recherches ont commencé par déterminer quelles zones du cerveau se mettent en route quand le conducteur détecte un feu rouge, se prépare à freiner ou à doubler, etc. Le groupe du professeur del R. Millán utilise des bonnets truffés de capteurs d’électroencéphalogramme pour capter cette activité puis la modéliser. «Nos recherches ont d’abord été exploratoires, explique Ricardo Chavarriaga, chercheur au CNBI. Il s’agissait de savoir si nous pouvions capter ces signaux.»
C’est le cas si bien qu’en détectant l’intention du conducteur avec quelques centaines de millisecondes d’avance, ces informations sont transmises à la voiture intelligente pour faciliter la conduite en anticipant un freinage ou un tournant. Doté de capteurs et détectant son environnement, le véhicule aide en retour le conducteur en cas de conditions de trafic difficiles ou d’inattention. On aboutit ainsi à une forme de conduite personnalisée, le système apprenant de chaque conducteur et adaptant les paramètres de la voiture en fonction.
En d’autres termes, au lieu de remplacer le conducteur par une intelligence artificielle, ce projet vise à améliorer la collaboration entre humain et machine intelligente. Dans son livre Superintelligence , Nick Bostrom, directeur de l’Institut sur le futur de l’humanité à l’Université d’Oxford, annonçait d’ailleurs cette piste collaborative en lieu et place des dystopies souvent attachées au développement de l’intelligence artificielle.
Reste que si la partie recherche du projet du CNBI est aboutie, la question n’est pas claire de savoir comment Nissan va l’appliquer. Après avoir poursuivi les recherches dans un programme accéléré (Senior Innovation Research Program) avec le soutien du CNBI, le constructeur a produit un premier prototype présenté au Consumer Electronic Show en début d’année. Mais il demeure douteux que des conducteurs acceptent à un horizon visible de s’équiper d’un électroencéphalogramme. Sauf dans un cas, celui du sport automobile. Les pilotes ont déjà des casques. Et la possibilité de gagner quelques millisecondes en améliorant leur conduite séduit certaines écuries. On devrait en apprendre plus sur ces développements au cours de la saison de Formule 1 qui vient de démarrer.
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