Chargeurs universels: bras de fer en vue entre Apple et l'UE
Un seul et même chargeur pour sa tablette iPad de chez Apple, son smartphone G2 de chez LG, son GPS Nüvi de chez Garmin et sa montre Galaxy Gear de chez Samsung? Nombre d'utilisateurs de ces appareils en rêvent depuis des années. Mais ils sont souvent contraints jusqu'à présent à jongler entre les chargeurs spécifiques pour chaque marque, chaque appareil, voire chaque modèle. Ou alors se cantonnent à une seule marque. Quand celle-ci ne change pas le chargeur à chaque génération.
Au final, selon les experts de l'Union européenne, près d'un milliard de chargeurs inutilisés dorment dans les tiroirs des utilisateurs qui changent régulièrement d'appareils et ne peuvent souvent plus réutiliser le cordon de la génération précédente. Et chaque année, ce ne sont pas moins de 50'000 tonnes de chargeurs qui sont à traiter dans les déchets. Coût pour les usagers, coût pour les collectivités. Sans même parler des contraintes au quotidien quand il s'agit de trouver le chargeur adéquat ou qu'un ami voit son appareil se décharger sans que l'on puisse lui venir en aide avec un de ses propres chargeurs.
Une première tentative avait été initiée par l'Europe en 2010 sur une base incitative: Nokia, Sony Ericsson, Samsung et quelques autres fabricants s'étaient mis d'accord sur des normes communes. L'apparition du micro-USB avait également poussé certains constructeurs à équiper leurs appareils d'un tel port permettant l'utilisation de chargeurs d'autres marques. Mais certaines marques avaient refusé d'entrer dans ce jeu. Et au premier rang Apple.
Les multiples chargeurs d'Apple
La marque à la pomme, alors encore dirigée par Steve Jobs, suivait une démarche radicalement opposée, développant un nouveau type de connectique et un nouveau chargeur à chaque génération de l'iPhone, mais aussi pour chaque famille d'appareil (iPod, iPhone, iPad). Une myriade de brevets protège ces dispositifs. Et les dirigeants actuels défendent encore les avantages de cette concurrence, présentant l'avancée que représente notamment les dernières générations de connectiques sur leurs différents appareils.
Ce blocage pourra-t-il durablement subsister? Le Parlement européen a adopté cette semaine une directive issue de la Commission européenne sur l'obligation, à l'horizon 2017, d'harmoniser les chargeurs pour ces différents types d'appareils. « Nous devons avoir un chargeur commun pour tous les téléphones mobiles, tous les citoyens y sont favorables », argumentait d'ailleurs la commissaire européenne à l’Agenda numérique, Neelie Kroes, voici quelques jours.
Dans les mois à venir, on risque donc de s'orienter vers un bras-de-fer entre l'Union européenne et Apple (ainsi que quelques autres fabricants rétifs à l'harmonisation). Le poids de la firme de Cupertino sur les différents marchés des appareils connectés (15 à 30% des volumes de ventes) rend cet acteur incontournable. « La Commission va lancer une étude afin de voir quelles sont les possibilités de suivi, cela inclut un nouvel accord volontaire pour l’industrie, et des mesures juridiquement contraignantes sur la base de la directive », ajoute Neelie Kroes au sujet de la coopération des fabricants récalcitrants.
Samsung joue les bons élèves
Du côté des bons élèves: le numéro 1 mondial des smartphones, Samsung. Le géant sud-coréen prend à dessein le contrepied de son rival californien, « s’engage à rendre ses technologies accessibles à tous et salue les efforts du secteur électronique pour harmoniser les chargeurs de smartphones », dans un communiqué. Pour enfoncer le clou, Samsung loue « les avantages et la dynamique qu’il y a à travailler aux côtés d’autres fabricants pour trouver des solutions universelles ».
Si l'Union européenne parvient à ses fins en harmonisant les chargeurs, le reste du monde pourrait suivre: il n'y aurait aucune raison pour les fabricants de conserver plusieurs chargeurs pour le Japon ou les Etats-Unis si des appareils avec connectique identique sont développés et proposés en Europe.