«Dupont prend un virage historique avec la biologie»

Douglas Muzyka
Crédits: DrFort de 10 000 chercheurs et d’un budget annuel de 2,1 milliards de dollars, le département R&D du groupe Dupont connaît une profonde mutation. Patron de cette organisation, Douglas Muzyka explique les enjeux de cette transformation lors d’une visite du laboratoire du groupe de chimie à Meyrin.
Comment évolue la R&D de Dupont?
Au cours de la dernière décennie, nous avons continué de construire sur nos fondations traditionnelles en science des matériaux et en chimie.
Mais nous y avons ajouté la biologie. Nous avons des compétiteurs énormes dans l’agriculture, dans les matériaux et dans les biotechnologies industrielles. Mais aucun n’a cette combinaison unique des trois. C’est cette science intégrée qui nous rend capables de créer des innovations pour adresser les défis gigantesques de l’énergie, de la protection et de l’alimentation.
Y a-t-il déjà des exemples d’innovations résultant de cette combinaison?
Notre recherche agricole nous a donné une profonde compréhension du métabolisme des plantes. Sur cette base, nous développons des produits qui apportent des bénéfices aux producteurs, mais aussi aux consommateurs.
Par exemple, Plenish est une nouvelle semence de soja qui résiste aux insectes et dont on extrait aussi une huile qui ne crée pas d’acides gras saturés dont on connaît les effets sur le cholestérol.
Dans le cas de notre polymère Sorona, nous avons modifié le métabolisme d’un micro-organisme afin qu’il produise, à partir d’une source renouvelable, des molécules qui étaient auparavant produites à partir du pétrole. Ce type de produits domine aujourd’hui notre pipeline de recherche. Quand tous auront atteint le marché, on réalisera qu’il s’agit d’un tournant historique.
Dupont reste encore un grand producteur de matériaux dérivés de la pétrochimie. L’impression en 3D ne représente-t-elle pas une énorme opportunité pour ces plastiques?
Effectivement, nous avons beaucoup de connaissances sur les polymères qui sont utilisés par l’impression 3D comme sur les propriétés mécaniques nécessaires au produit final.
C’est là qu’est le problème aujourd’hui. Faute de qualité suffisante, vous ne pouvez pas encore imprimer une pièce pleinement fonctionnelle chez vous. Nous étudions les défis fondamentaux dans les sciences des polymères pour permettre à l’impression 3D de réaliser son potentiel. Mais cela prendra du temps.
A plus court terme, prévoyez-vous d’autres matériaux révolutionnaires?
Oui, avec l’intégration de l’électronique dans nos matériaux. Les designers utilisent beaucoup notre Corian pour des meubles. Nous développons des technologies d’induction électrique qui vont permettre à un meuble fait de ce matériau de recharger un smartphone ou tout autre objet électronique. Sans contact, juste en le posant sur une surface.
Vous travaillez avec des partenaires pour ces développements?
C’est l’autre changement fondamental. Les problèmes que nous rencontrons sont devenus plus complexes que par le passé. Pour trouver des solutions plus rapidement et efficacement, nous multiplions les collaborations. Par exemple, nous avons mis en place un partenariat pour développer des biofuels qui n’utilisent plus la partie comestible de la plante mais les déchets.
Il inclut des fermiers, un laboratoire national qui a mis au point des technologies de prétraitement et une start-up qui a développé de nouvelles enzymes. Ils travaillent avec nous pour créer ces biofuels de deuxième génération.