
Les idées sont dans l’air, nous dit-on souvent. Oui, mais jusqu’à un certain point. La chose n’excuse ni les emprunts, ni a fortiori les pillages. La chose devient aujourd’hui sensible dans le monde de la mode qui entend fusionner avec l’art sous le signe du luxe. Autrement dit du fric. Je vous racontais il y a quelques jours que LVMH s’était fait prendre la main dans un sac Vuitton. La firme milliardaire avait fait poser Léa Seydoux devant une toile de Joan Mitchell afin de lancer un produit commercial. Il y avait eu retrait de la publicité en question(s) après les hurlements de la Fondation Joan Mitchell, non consultée.
«C’est un mémorial contre l’orgueil naïf de l’espèce humaine qui se croit au-dessus de la nature, dont elle épuise les ressources.»
Depuis des semaines, c’est Zadig & Voltaire qui fait parler de lui pour une affaire un peu semblable. L’artiste impliqué reste bien moins célèbre dans la mesure où il s’agit du Morgien Julian Charrière. En 2019, l’homme, aujourd’hui installé à Berlin, produisait une vidéo qu’on a pu voir en Suisse lors de sa rétrospective présentée la même année au MASI de Lugano, puis au Kunsthaus d’Aarau. «And Beneath it All Flows a Liquid Fire» montrait une fontaine ressemblant à celle du Jardin anglais genevois. Sa particularité était de remplacer l’eau par le feu. Frappante, l’image entend délivrer un message écologique. C’était pour Julian, qui jouit tout de même d’une réputation internationale, «un mémorial contre l’orgueil naïf de l’espèce humaine qui se croit au-dessus de la nature, dont elle épuise les ressources.» En bref, l’humanité joue avec le feu.

Rien de tel pour Zadig & Voltaire, qui a utilisé à peu près la même image («remastérisée» par sa directrice artistique Cecilia Bönström), pour accompagner un défilé organisé aux ateliers d’artistes Pousch d’Aubervilliers. La maison de mode en a tiré une vidéo postée les 19 et 26 janvier sur Instagram. On sait comment fonctionnent les réseaux sociaux. Ils se sont au propre… enflammés comme l’a expliqué il y a quelques jours à ses lecteurs «Le Monde». Julian Charrière s’est très vite ému, et on le comprend. Pour lui, il s’agit d’un plagiat. Plus ennuyeux encore, sa pensée s’est vue détournée, voire contredite. Zadig & Voltaire ne parlait plus d’écologie mais de «la liberté qui brûle en nous» ou de «la confiance flamboyante, audacieuse et sans entraves». Non seulement ces mots ne signifient plus grand-chose, mais il s’agit surtout d’un hymne à l’égoïsme.
«Nous saluons la liberté qui brûle en nous.»
Les internautes se sont donc déchaînés en janvier. Sean Kelly, le galeriste new-yorkais de Charrière, est intervenu. Il y a eu le dépôt d’une plainte, assortie d’une demande de dommages-intérêts se montant à ds dizaines de milliers d’euros. Ont été expliqués que la vidéo en question a aussi bien été présentée lors de l’exposition «Novacène» de Lille qu’à la Biennale de Venise. A la poussée des réseaux a depuis succédé la presse branchée. Les quotidiens nationaux entrent maintenant (tardivement) en jeu. On se demande comment Thierry Gillier, qui a créé Zadig & Voltaire en 1997, finira par réagir afin d’éteindre l’incendie. Une seule chose semble sûre. Il peut largement payer. L’homme admet volontiers que son plus grand mérite est de vendre à des prix très élevés des vêtements (à mon avis affreux) fabriqués à bas coûts en Chine…
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Commerce de luxe – Zadig & Voltaire aurait pillé Julian Charrière
La vidéo du plasticien morgien, installé à Berlin, a été reprise sans grandes modifications tout en détournant son sens. D’où une plainte.