
Une hôtesse nous invite à rejoindre la table décorée de pivoines roses. À l‘entrée de la nouvelle maison Montblanc, des célébrités se succèdent devant le photo call. Les invités affrontent le crépitement des flashes avec panache. Nous sommes à Hambourg, le 10 mai dernier, dans le quartier de Lurup. Si la ville est connue pour son port hanséatique, elle abrite aussi la manufacture et le siège social de cette marque pionnière dans l’art de l’écriture depuis plus de 115 ans.
- «Dites, ce n’est pas… vous savez, cette actrice?» (Je donne du coude à mon voisin)
- «Maggie Gyllenhaal? Oui, c’est elle.»
L’Américaine n’est pas la seule amie de la marque à avoir traversé un océan. Trois cents convives triés sur le volet assistent à l’inauguration de ce bâtiment. Sur trois niveaux, la Montblanc Haus propose une expérience immersive. Les 3600 m² abritent une exposition permanente ouverte au public sur le riche patrimoine avec des pièces uniques, d’autres historiques mais aussi des archives remontant aux débuts, en 1906.
À l’instar d’un Stradivarius ou d’un Steinway, les instruments d’écriture Montblanc sont des œuvres d’art fabriquées parfois sur mesure. Ainsi, les architectes espagnols Nieto Sobejanos Architectos leur ont conçu cet écrin noir sobre et élégant, clin d’œil aux premiers coffrets. Une lettre signée par Voltaire rappellent qu’il fut un temps où l’on préférait former des boucles aux bons mots plutôt que tapoter un vulgaire texto: «Tu fais koi? »
Par un heureux hasard, je suis assise à côté d’Alessandra Elia. Notre échange commence par un nouveau doute.
- «Dites, ce ne serait pas… cet acteur en face. Vous savez, il a joué dans ce film allemand… avec des cornichons.»
- «Good Bye Lenin? Oui, c’est Daniel Brühl.»
Alessandra Elia
Entre le saumon fumé agrémenté d’un bouillon froid de concombre et la joue de veau braisée sur un lit d’orge bio, Alessandra Elia revient sur son parcours.
Allemande, Italienne, le tout agrémenté d’un soupçon de sang libanais, l’actuelle directrice de la catégorie des instruments d’écriture et accessoires de Montblanc a vécu à Genève et travaillé pour différentes compagnies dont une de cosmétique. «Dans ce secteur, le message se veut simple. On connaît les clients d’un point de vue statistique: telle catégorie de femmes aime telle fragrance. À l’inverse, ici, on découvre personnellement nos clients. On crée du sur-mesure avec nos maîtres artisans qui répondent à leurs exigences élevées et relèvent parfois d’audacieux défis.»

Économiste de formation, Alessandra participe depuis 2018 aux réflexions stratégiques mais aussi créatives de la maison puisque son département est à l’origine des nouvelles collections. Le travail d’une cheffe d’orchestre qui coordonne des métiers d’art ancrés dans la tradition et la culture. «Mon équipe maîtrise le savoir-faire et la créativité de la maison mais aussi les aspects juridiques et financiers. Avec nos éditions limitées, on rend hommage aux artistes, aux explorateurs et grands personnages de l’histoire. Pour aborder une thématique ou un auteur dans sa véracité, la présence d’historiens, d’archivistes en plus de nos maîtres artisans s’avère obligatoire.»
Meisterstück
À côté des éditions limitées, le produit iconique de la marque, le Meisterstück, reste le stylo-plume incontournable. Il est toujours réinterprété mais reste fidèle à son origine. «Nous préparons les 100 ans du Meisterstück en 2024. On a trouvé dans les archives des prototypes jamais commercialisés et pourtant magnifiques. On en a réalisé un en y ajoutant la technique moderne tout en préservant son dessin Art déco.» Le modèle classique du Meisterstück reste une valeur sûre et fait toujours partie des meilleures ventes. L’artisanat de sa plume en or façonné à Hambourg ne cesse de fasciner le monde entier.
«Brin de folie»
À quoi ressemblent les collectionneurs dans le milieu de l’écriture? «Certains vouent une passion telle pour notre marque qu’ils deviennent nos meilleurs ambassadeurs, comme cette dame qui affiche avec fierté un bracelet surhaussé de l’emblème Montblanc tatoué sur l’un de ses bras. Ou encore, ce médecin qui a planifié son voyage de noces en fonction des villes dans lesquelles se trouvent les pièces manquantes de sa collection.»

Les pièces uniques provoquent de terribles frustrations. Il a fallu 8 ans et la participation de 800 artisans pour réaliser la «Monte Celio». Orné de 1500 diamants et saphirs roses, ce bijou s’est vendu en 2015 à 2,4 millions d’euros. «Il s’agit de surprendre le client. Ces pièces se distinguent par leur brin de folie qui se cache dans l’utilisation d’une matière par exemple.»
Ainsi, les petites mains de Montblanc ont façonné du marbre de Carrare, se sont adonnées à l’art de la marqueterie allant jusqu’à sculpter une défense de mammouth fossilisée. «L’artisan Richard Maier a rendu hommage aux Inuits en tatouant la défense de dessins animaliers côtoyant le bateau de l’explorateur Amundsen connu pour ses expéditions au Groenland.»
Autant dire qu’il n’y a pas de limite, à part certaines éditions.

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Accessoires de luxe – Une plume et des lettres
Rencontre avec Alessandra Elia, directrice de la catégorie des instruments d’écriture et accessoires depuis 4 ans lors de l’inauguration de la Montblanc Haus à Hambourg.