Perspectives économiquesUne croissance suspendue à la guerre
L’évolution du conflit en Ukraine conditionne les perspectives macroéconomiques. La croissance du PIB suisse devrait baisser d’un demi-point.

Toute instabilité est un poison pour l’économie. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, puissance nucléaire, provoque un séisme géopolitique. Et un nouveau choc d’offre pour l’économie mondiale, avec de fortes pressions sur les prix des matières premières. Le boom post-Covid et sa croissance enthousiasmante ont vécu. L’inflation, elle, perdure.
Les équilibres ont changé avec l’isolement de la Russie. S’il est illusoire d’espérer revenir au niveau d’avant l’invasion, l’économie mondiale ne devrait pas entrer en récession selon la grande argentière européenne, Christine Lagarde. «Compte tenu de la reprise qui était engagée, on ne voit pas à horizon de 2022, ni 2023, ni 2024, de stagnation de l’économie», a indiqué fin mars la présidente de la Banque centrale européenne. Et ce malgré les effets déjà visibles de la guerre sur l’activité en Europe.
L’envolée des prix des matières premières et de l’énergie a exacerbé les goulots d’étranglement dans le sillage de la pandémie. Cette évolution, note l’Institut de recherches conjoncturelles de l'École polytechnique fédérale de Zurich (KOF), renforce encore les hausses des niveaux de prix déjà observées auparavant en de nombreux endroits.
Perte de pouvoir d’achat
Selon les prévisions du KOF, l’économie suisse devrait toutefois croître de près de 3% cette année au meilleur des cas. Mais tout pronostic se heurte à l’évolution de la guerre et les risques d’embrasement. Un embargo s’étendant aux importations d’énergie pourrait par exemple entraîner une perte sensible de valeur ajoutée, la Suisse abritant de nombreuses entreprises actives dans le commerce international des matières premières.
Les réserves d’épargne et la forte croissance au sortir de la crise Covid ont certes offert une «marge de sécurité» pour amortir le choc de la guerre, il n’empêche que «la détérioration du mix croissance-inflation va péjorer le pouvoir d’achat», indique Samy Chaar, économiste en chef de la banque Lombard Odier.
«La problématique de la distribution des gains économiques va se renforcer, ce qui va se répercuter sur les équilibres politiques.»
Une préoccupation pour le professeur honoraire de l’UNIGE Beat Bürgenmeier, qui craint pour la cohésion sociale des sociétés occidentales. «La problématique de la distribution des gains économiques va se renforcer, ce qui va se répercuter sur les équilibres politiques, en renforçant les tendances nationalistes et les régimes autoritaires.»
Face aux pressions inflationnistes, la politique monétaire a peu d’options. Le maintien en expansion de l’économie dépendra avant tout de la réponse fiscale. «Des dépenses budgétaires devraient être engagées pour répondre aux besoins à court et long termes, déclare Samy Chaar. Mais il faut de l’ambition, or pour l’heure, nous observons des réponses uniquement aux niveaux des États et non de l’Union européenne.»
Julien de Weck est journaliste, rédacteur en chef du magazine Bilan. Passé par la banque et la photographie, le print et les Internets. Histoires(s), défis d'aujourd'hui et solutions de demain.
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