
Dans le domaine de la science et des hautes écoles, on observe une relation entre dimension absolue du système de recherche et le niveau d’excellence de celui-ci. Ceci est dû à la présence d’indivisibilités substantielles, liées notamment aux équipements et aux infrastructures nécessaires à la recherche de haut niveau. Comme c’est donc la taille absolue qui compte, des petits pays comme la Suisse, qui visent à l’excellence, vont supporter un système de recherche d’une taille relative disproportionnée par rapport à leur population ou leur produit intérieur brut (comparativement à des pays comme l’Allemagne, la France ou l’Italie).
Pour assurer la présence de ceux-ci, le petit pays devra en outre développer un modèle offrant des services d’éducation de haute qualité (mesurés notamment par les classements internationaux) à un prix peu élevé. Ainsi, les services aux étudiants sont vendus à un prix inférieur aux coûts, tandis que le pays paie un prix élevé pour recruter les meilleurs scientifiques.
Grandir sans cesse
En outre, ce système doit croître de façon continue pour ne pas s’affaiblir. En effet, le système suisse participe à un tournoi mondial, qui regroupe le petit nombre de pays visant l’excellence. Dans ce tournoi, les forts deviennent toujours plus forts et les faibles s’affaiblissent. Il faut donc toujours grandir, même si les dimensions du système deviennent disproportionnées relativement à la taille du pays.
Dans le cas suisse, les incitations sont toutes alignées en faveur de la croissance du système: les universités, les scientifiques et les laboratoires, les agences de financement de la recherche, le pouvoir politique des cantons. Le système présente aujourd’hui les signes d’une incroyable réussite, mais à quel prix?
Créer de meilleures incitations
L’extrême internationalisation du système de la recherche suisse (un cas exceptionnel dans les comparaisons internationales), une tendance marquée des étudiants gradués à trouver un emploi à l’étranger, un fossé qui s’élargit entre le système scientifique suisse et les besoins de l’économie (notamment les PME) et la croissance d’une population de jeunes scientifiques précaires représentent quelques effets discutables de la participation de la Suisse au tournoi mondial et de la croissance de son système de recherche à n’importe quel prix!
L’excellence du système est évidemment une bonne chose et produit énormément de bénéfices. Cependant, les conditions de cette excellence – une taille relative disproportionnée et une croissance continue pour ne pas s’affaiblir – obligent à se demander quelles sont les actions stratégiques qui pourront permettre à ce système de rester solidement arrimé à la société et à l’économie suisses. Il y a de nombreuses pistes pour créer de meilleures incitations dans le domaine des transferts de technologies ou encore dans celui de l’orientation des étudiants en fonction des besoins du marché du travail.
Dominique Foray, titulaire de la chaire en économie et en management de l’innovation à l’EPFL.
À noter: Une version plus longue de cet article est parue dans «La Vie économique» – N° 1 – 2 - 2022
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Recherche – Une course à la taille sans fin pour la Suisse
Les conditions de la qualité du système de recherche – une taille relative disproportionnée et l’impératif d’une croissance continue – obligent à se demander quelles sont les actions qui lui permettront de continuer d’exceller.