Comme dans toute campagne, il est normal que les points de vue soient opposés. Voter revient à procéder à une analyse critique des arguments des uns et des autres. Les citoyens votent en suivant les arguments qui leur paraissent les plus importants, parmi ceux qui sont fondés. A propos de l’abolition du droit de timbre d’émission, le parti socialiste se montre très créatif ! Je ne vous demande pas de me croire sur parole, mais de vérifier les belles allégations des ennemis du capital.
« C’est un cadeau à la place financière » : le droit de timbre d’émission s’applique à toutes les sociétés, quel que soit leur secteur d’activité. C’est pour cela que toute l’économie est concernée. Les établissements financiers sont déjà largement capitalisés en raison des exigences prudentielles. En outre, le capital issu des instruments « too big to fail » est exonéré du droit de timbre d’émission (cf. art. 6 al. 1 let. l et m LT). Ce qui n’empêche pas les instituts financiers de continuer à payer l’impôt sur le bénéfice (y compris sur les gains en capital), l’impôt sur le capital, les impôts fonciers, de la TVA…
« Les services financiers sont exonérés de TVA en raison du droit de timbre d’émission » : l’apport de capital n’est pas soumis à la TVA faute de valeur ajoutée, tout simplement. L’octroi de crédits n’y est pas non plus soumis, même si le droit de timbre d’émission n’est plus prélevé sur ces opérations. On peut dire que l’achat et la vente de papiers-valeurs sont exclus du champ de la TVA en raison du droit de timbre de négociation, qui ne fait pas l’objet de la votation du 13 février. Enfin, la garde et la gestion de papiers-valeurs sont soumises à la TVA (cf. art. 21 al. 2 ch. 19 let. e LTVA).
« Seules les grandes sociétés en profiteraient » : chaque année, plus de 2000 sociétés paient du droit de timbre d’émission. Les deux tiers en paient moins de 100 000 francs chacune. Leurs paiements représentent environ 20% du total. Comme pour tout impôt sur le capital, un petit nombre de contribuables verse l’essentiel des recettes fiscales. Donc forcément, ce sont ceux-là qui « profiteraient » le plus de l’abolition. Mais les grandes sociétés sont aussi celles qui fournissent le plus d’emplois, directement et indirectement. Faut-il les pénaliser parce qu’elles ont réussi à se développer ? Faut-il aussi pénaliser les plus petites qui doivent combler les pertes que leur a causées la crise sanitaire ?
« Les entreprises paient de moins en moins d’impôts » : c’est une antienne des socialistes, contredite par les faits. Les statistiques de l’impôt fédéral direct payé par les personnes morales montrent que celles-ci ont payé 4.7 milliards d’impôt sur le bénéfice en 1998, 7.2 milliards en 2008 et 12.5 milliards en 2018. Le montant moyen par entreprise a aussi augmenté, malgré les différentes réformes fiscales intervenues. Avenir Suisse a aussi calculé que les rendements de capitaux sont davantage imposés que les salaires, et ce toujours plus.
« Les entreprises paieront moins d’impôt sur le bénéfice » : le droit de timbre d’émission est un impôt fédéral, qui n’a aucun lien avec l’impôt sur le bénéfice ; il est d’ailleurs dû sur les apports de fonds propres, avant même de savoir si ceux-ci vont permettre de générer des bénéfices. Certains socialistes ont émis l’hypothèse qu’en l’absence de droit de timbre d’émission, des actifs pourraient être apportés à une valeur surévaluée pour profiter d’amortissements plus élevés, qui réduiraient l’impôt sur le bénéfice. Un tel procédé est tout simplement interdit par le Code des Obligations. Les cantons et les communes ne subiront donc aucune perte de recettes fiscales du fait de l’abolition du droit de timbre d’émission.
« Les citoyens devront payer plus d’impôts » : les 250 millions de recettes fiscales que perdrait la Confédération ne représentent que 0.3% du budget fédéral. Le ministre des finances Ueli Maurer a assuré qu’il pouvait très bien s’en passer. Il n’y a pas de hausse de l’impôt sur le revenu ou de la TVA qui soit prévue en lien avec l’abolition du droit de timbre d’émission, pas plus que de baisse des prestations sociales. Au contraire, cette abolition renforcera le développement de l’innovation et des start-ups en Suisse.
« L’économie applique la tactique du salami » : il est vrai que l’économie aurait souhaité l’abolition de tous les droits de timbre, mais le Parlement fédéral a reconnu que cela grèverait trop les recettes de la Confédération. L’abolition du droit de timbre de négociation et du droit de timbre sur les primes d’assurance n’est donc plus à l’ordre du jour.
En réalité, il ne s’agit pas simplement d’un vote sur un impôt obsolète que presque tous les autres pays ont déjà aboli. Il s’agit d’un vote sur l’importance que le peuple suisse accorde au développement de son économie. D’un vote sur la confiance dans le fait que les grandes entreprises donnent du travail aux plus petites, et que toutes donnent du travail aux citoyens. Il est facile de se dire : « Bof, ce n’est pas moi qui paie cet impôt, et les entreprises peuvent bien le payer ». Mais il ne faudra pas s’étonner ensuite si, à force d’accumuler les désavantages fiscaux, la Suisse n’attire plus ou ne conserve pas les champions économiques de demain. Les entreprises sont mobiles, les citoyens beaucoup moins.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Votations du 13 février – Une campagne aux accents absurdes
L’abolition du droit de timbre d’émission est l’un des sujets de votation les plus controversés du 13 février prochain. Ses adversaires n’hésitent pas à invoquer des arguments techniques loufoques, en comptant sur le fait qu’on les croira sur parole.