Diplomatie internationaleUkraine : la tension continue de monter
L’intense séquence diplomatique des derniers jours entre Occidentaux et Russes n’a permis aucune détente, se soldant même par de nouvelles accusations américaines de préparatifs «d’invasion» de l’Ukraine par la Russie.

Le président russe Vladimir Poutine, qui a massé près de 100.000 hommes à la frontière avec l’Ukraine, continue à exiger de l’Otan un engagement écrit de ne jamais intégrer cette ex-république soviétique dans ses rangs.
Face à la «pression maximale» russe, les Etats-Unis se disent prêts à «tous les scénarios», poursuite du dialogue ou représailles économiques et financières «massives».
Et pour clore la semaine, l’Ukraine a été la cible vendredi d’une cyberattaque massive non revendiquée qui a bloqué une partie de ses sites internet gouvernementaux.
Et maintenant ?
Après un ballet diplomatique digne de la Guerre froide lundi à Genève, mercredi à Bruxelles (Otan) et jeudi à Vienne (OSCE), les Russes ne jugent pas utile de poursuivre les discussions et attendent dès la semaine prochaine des réponses écrites à leurs revendications.
Américains et Européens refusent toutes leurs demandes sur l’Otan, qui ramèneraient de facto le Vieux continent aux équilibres géopolitiques de 1997, juste avant l’élagissement de l’Alliance vers l’est de l’Europe.
Les négociateurs américains proposent un «processus» de discussions plus long centré sur le contrôle des armements et la limitation des manoeuvres militaires, sources récurrentes de tensions. Insuffisant pour l’heure aux yeux des Russes.
«Nous sommes dans une impasse. Dans l’état actuel des choses, les positions des Russes et des Américains sont irréconciliables», résume Melinda Haring, la directrice-adjointe du centre américain Eurasia, dans une note d’analyse.
In fine, «la décision de poursuivre ou non les discussions sera prise par Vladimir Poutine et personne à ce stade ne sait» dans quel sens il tranchera, renchérit Marie Dumoulin, une experte de l’ex-URSS au Conseil européen des Relations internationales (ECFR).
Le risque d’une guerre en Ukraine toujours présent ?
A l’issue de cette semaine diplomatique, la guerre est «malheureusement plus probable», avance Melinda Haring à Washington. Il faut s’attendre à une «nouvelle exacerbation de la crise passant par la force», renchérit Dmitri Trénine du Carnegie Center à Moscou.
«La situation est totalement volatile» et le «risque de guerre élevé», avertit aussi François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation de la recherche stratégique (FRS) à Paris.
Le négociateur russe, Sergueï Riabkov, a pourtant assuré lundi à Genève que la Russie n’avait pas l’intention d’»attaquer l'Ukraine".
Mais un haut responsable américain a accusé vendredi Moscou d’avoir «prépositionné» des agents en Ukraine pour mener une opération qui puisse servir de «prétexte à une invasion».
Le Kremlin a qualifié de «gratuites» ces accusations, soulignant qu’elles n’étaient «appuyées par aucune preuve».
Une intervention russe pourrait aussi prendre d’autres formes qu’une invasion pure et simple, relève Maxime Soutchkov, le directeur de l’Institut d’études internationales à l’université MGIMO à Moscou.
Lorsque Vladimir Poutine agite la menace d’une réponse «militaire et technique», il peut songer par exemple à «des déploiements de missiles dans le Donbass (est de l’Ukraine) ou en Crimée (sud)", souligne-t-il dans une analyse parue sur le site warontherocks.com.
Il pourrait s’agir de «prises territoriales» limitées pour relier le Donbass, contrôlé par les séparatistes prorusses, à la Crimée annexée en 2014 par la Russie, ajoute François Heisbourg.
Dans la tête de Poutine ?
Pour Marie Dumoulin, les Russes maintiennent la «pression maximale pour obtenir davantage», mais «le scénario de l’intervention militaire n’est pas le plus probable» car son «coût, militaire, politique, financier et humain» serait considérable.
Les contrepropositions américaines sur le non-déploiement de missiles en Europe ou la limitation des exercices militaires font aussi partie depuis longtemps de leurs revendications.
«Ils savent qu’en cas d’intervention militaire en Ukraine, il n’auront rien de tout cela sinon des sanctions massives et une rupture de fait de toutes leurs relations avec les pays occidentaux», considère Marie Dumoulin.
Vladimir Poutine dénonce de son côté la «politique d’endiguement» de son pays – une obsession historique russe – et réclame depuis depuis plus de dix ans des «garanties de sécurité» aux Occidentaux.
Selon Maxime Soutchkov, les Etats-Unis, totalement centrés désormais sur la rivalité avec la Chine, pourraient avoir «intérêt à une relation stable et prévisible» avec la Russie et à une «architecture de sécurité en Europe leur permettant de mettre le focus sur l’Indo-Pacifique». C’est tout le pari du Kremlin, estime-t-il.
Européens et Ukrainiens consultés ?
Que se soit à l’Otan ou à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), «les Européens sont à la manoeuvre pour défendre leurs intérêts», assure le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
«Nous avons reçu l’assurance que rien ne sera décidé ni négocié sans les Européens et la coordination avec les Américains est absolument parfaite», renchérit l’Espagnol Josep Borrell.
Mais pour Raluca Csernatoni, du centre de réflexion Carnegie Europe, «l’Union européenne joue un rôle mineur dans les négociations», les Etats-Unis préférant discuter directement avec quelques pays comme la France, l’Allemagne et des alliés est-européens.
Quand à l’Ukraine, «la discussion se fait très largement en dehors de sa participation», constate Marie Dumoulin.
AFP
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