La liberté d’expression fonctionne dans les deux sens et en effet, choisir de ne pas répondre à certaines questions peut s’avérer largement plus confortable que de s’ouvrir sur des sujets qui font grincer des dents. Rapide tour d’horizon sur une formule pas si magique.
La tentation irrésistible du « no comment »
Quelle est la première chose que l’on se dit lorsqu’on demande des comptes à un enfant que l’on suspecte d’avoir fait une bêtise et que celui-ci reste muet ? Evidemment, on se dit qu’il est coupable et qu’il n’assume pas ses actes. Sans vouloir infantiliser qui que ce soit, pourquoi en serait-il autrement à l’âge adulte ?
Après tout, le silence fait partie d’une mécanique d’autodéfense assez universelle. Mais… de quoi se protège-t-on au juste ?
«(…) la réalité est qu’opter pour un «no comment» insipide restera systématiquement une solution de facilité qui coûte plus cher sur le long-terme»
Ce qu’il ne faut jamais oublier, c’est que les journalistes qui nous confrontent ont un mandat clair, qui est celui de l’information. Même s’ils ont quasiment toujours déjà une opinion sur le sujet qu’ils couvrent, et que celle-ci pourra les biaiser ou les diriger vers une certaine typologie de questions, ils ne sont pas des espaces publicitaires gratuits et la plupart s’efforce de faire leur travail avec diligence.
Cette simple réalisation et le respect de leur mission de service public suffit à totalement revoir notre réaction face à un journaliste qui pourrait poser des questions auxquelles on ne veut pas répondre. « Il fait juste son job ».
Pourtant, lorsqu’un journaliste nous demande d’expliquer des résultats décevants, nous demande notre avis sur le scandale de harcèlement de notre organisation, ou pourquoi notre chantier de construction semble avoir pollué une nappe phréatique, on s’insurge, on rouspète et souvent, notre réaction instinctive nous pousse à favoriser une fuite par le silence. « Pas de commentaire ! »
On peut tenter de rationnaliser avec des grandes théories ou des explications pour cette décision, mais la réalité est qu’opter pour un «no comment» insipide restera systématiquement une solution de facilité qui coûte plus cher sur le long-terme.
Non seulement on se met dans une situation de coupable aux yeux des lecteurs, mais on perd une opportunité de se positionner comme une institution courageuse, transparente et droite dans ses bottes.
Le rôle du communicant
Le rôle du communicant est double dans de tels cas de figure.
Un comité de direction peut être pris de panique ou peut simplement avoir plus urgent à faire en cas de réelle crise. Le chargé de communication, qui est souvent assis au coin de la table avec la direction générale ou le conseil d’administration, devra alors faire preuve de beaucoup de sang froid et être celui qui rassure, qui calme et qui propose une issue optimale. Avant d’être la voix de la raison, il faut être la voix du réconfort, car un dirigeant calme est largement plus efficace et convaincant.
Le communicant devra également soigneusement gérer la relation avec le journaliste, car créer de l’animosité, répondre dans l’agression ou perdre la confiance du journaliste ne fera qu’empirer les choses pour le sujet traité, et tous les suivants.
Comment créer de la valeur dans la douleur
Tout d’abord, assumer publiquement une erreur ne devrait même pas être une question. C’est une évidence. La vérité nous rattrape toujours.
Pour les apparences, on a donc le choix entre deux postures : un silence suspicieux et une vérité gênante qui sortira tôt ou tard, ou une réponse honnête et habile qui nous permet de passer rapidement à autre chose. En optant pour la deuxième option, le déficit d’image immédiat est contrebalancé par la posture courageuse et transparente.
Option 1:
Journaliste: Qu’avez-vous à nous dire sur les accusations qui vous touchent ?
Répondant: Pas de commentaire.
Résultat dans l’article: «interrogé sur les actes que M X aurait commis, celui-ci a refusé de commenter.»
Option 2:
Journaliste : Qu’avez-vous à nous dire sur les accusations qui vous touchent ?
Répondant: C’est une affaire qui nous préoccupe au plus haut point et dont j’assumerai les conséquences. Pour l’heure, je ne rentrerai pas dans les détails mais je peux vous assurer que tout est fait pour éclaircir la situation au plus vite.
Résultat dans l’article: «interrogé sur les actes que M X aurait commis, celui-ci assure sans rentrer dans les détails que l’affaire est traitée avec urgence.»
Les exceptions à la règle
Naturellement, il y a des situations qui nécessitent légitimement de garder le silence.
On peut vouloir maintenir notre audience en haleine, dans le cadre d’un lancement par exemple, afin de garder un effet de surprise.
Un autre cas de figure où il convient de ne pas se prononcer est lorsqu’on nous demande notre avis sur un concurrent, et que notre réponse serait négative ou critique.
Enfin, il y a évidemment des raisons juridiques, dans le cadre d’enquêtes judiciaires par exemple, où le silence est même une obligation.
Alors la prochaine fois que vous avez envie de répondre «no comment», demandez-vous pourquoi vous ne voulez pas répondre et mesurez-en les conséquences.

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Le silence est-il d’or? – Tout savoir sur la pratique du NO COMMENT en interview
En tant que communicant qui a connu son lot de crises, j’ai souvent été confronté à la grande
question de savoir s’il fallait répondre ou non à une question de journaliste qui fâche ou embarrasse.