
C’est un échange verbal entre amis que l’on entend plusieurs fois dans la même journée : « Salut, ça va ? », « Oui, et toi ? », « Super… tu fais quoi samedi prochain ? », « Je vais tester le nouveau restaurant de la rue XX », « Bonne chance, c’est une catastrophe ». Au-delà de diffuser de fausses informations sur un restaurant peu après son ouverture, la seule utilisation du mot « tester » provoque, d’une manière récurrente voire insupportable, l’expression orale de pensée souvent malveillante à l’égard du restaurant récemment visité. Dans la foulée, allons-nous tester nos banquiers, nos assureurs, nos avocats, nos médecins ou encore nos garagistes ? Ces corps de métier –aussi intéressants et sympathiques qu’ils puissent être – refuseraient d’être traités de la sorte et ne se laisserait certainement pas faire. Au même titre que la non-facturation d’un dîner annulé à la dernière minute créé une polémique, pourquoi le secteur de la restauration doit-il être le seul à être « testé » ?
Émissions
Bien évidemment, tout le monde a le droit de s’exprimer comme il veut et le but de cette tribune n’est pas de mettre au pilori les personnes qui utilisent ce vocabulaire mais plutôt de les rendre attentives au fait qu’un semblant de connaissance sur le métier ne devrait pas suffire à les rendre trop confiantes. Au fil du temps, les émissions de télé-réalité ont (incon)sciemment contribué à rendre le métier de la restauration très « glamour », ce qu’il n’est finalement pas et ce qu’il n’a jamais prétendu être. Bien entendu, certains chefs (particulièrement hexagonaux) se prêtent au jeu de leur nouvelle popularité et sont souvent bien contents de cette soudaine médiatisation.
Ces vecteurs audiovisuels sont loin de refléter la réalité d’un quotidien difficile et éreintant. Pire… une certaine catégorie de spectateurs se met au même niveau que des candidats expérimentés et s’imagine pouvoir faire mieux qu’eux. Et c’est là où le bât blesse… car non ! Il faut en fait des années de métier pour cuisiner parfaitement un turbot, un lièvre à la Royale ou confectionner une sauce Nantua. En se considérant au même rang, ils peuvent ainsi venir en toute impunité « tester » le résultat final au lieu de le déguster tout simplement.
Hors sujet
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la restauration est un vrai métier et n’est pas accessible à tout le monde. Même si la majorité des diplômés changent d’orientation professionnelle à la fin de leurs études, n’oublions pas que les meilleures écoles hôtelières du monde se situent en Suisse et qu’elles forment au métier de la restauration et de l’hôtellerie. C’est pour dire l’importance de ce secteur économique et de sa formation qui subit au quotidien les aléas de la crise sanitaire.
Revenons sur l’emploi du mot qui n’est du reste pas utilisé dans le même contexte dans la langue anglaise. « Have you tested the latest restaurant that opened last week ? » Impossible ! C’est tout simplement un hors-sujet linguistique ! Un « have you tried ? » serait préférable et apporterait une certaine forme d’humilité à la démarche. A l’image du rugby ou finalement de la vie dans son ensemble, un essai peut aussi bien être concluant qu’être un raté total. Pas besoin d’être d’accord, pas besoin d’aimer un établissement ou pas, chacun a le droit de l’exprimer à sa façon. Les restaurateurs ne sont pas des étudiants obéissants et disciplinés face à des clients qui se prennent pour des professeurs proclamant les règles, les lois et exerçant une certaine forme d’autorité. N’est-il pas temps de renverser les rôles ? Finalement, pourquoi le restaurateur ne noterait-il pas ses clients à la fin du repas ? Il serait du reste très amusant de différencier les bons clients des mauvais et de les afficher sur la place publique.
Alors que le monde entre de nouveau dans une période d’incertitude générale, le soutien est de mise à l’égard de la restauration. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons faire preuve de complaisance mais en tout cas de bienveillance et de respect. Le restaurant est un lieu de rencontre, de vie et d’échanges et non un banc d’école. Plus que jamais, évitez le « tester » et prônez le « déguster » !

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Vocabulaire Foodie – « Tester » et non approuvé !
Le mot « tester » est communément utilisé par une partie de la communauté foodie. N’est-il pas temps de définitivement laisser ce champ sémantique aux labos et autres test Covid ?