Actifs digitauxTaurus lève 65 millions auprès de Crédit Suisse, Deutsche Bank, Pictet et Arab Bank
Portée par la régulation attendue sur les marchés cryptos, la fintech genevoise prévoit l’accélération de son expansion à l’international, avec l’ouverture prochaine de bureaux à Paris et Dubaï. Interview de Lamine Brahimi, cofondateur de Taurus Group.

Dans l’écosystème blockchain suisse, Taurus a toujours assumé son ADN genevois et sa proximité avec les banques de la place (dont Lombard Odier, Arab Bank ou encore Swissquote, clients et investisseurs historiques) par lesquelles ses fondateurs sont passés. Et l’histoire semble lui donner raison, après une année 2022 marquée par l’effondrement d’acteurs historiques non régulés tels que Celsius, Voyager ou FTX, et une année 2023 qui se dessine comme celle du durcissement régulatoire. Et de la reprise en main du marché des actifs numériques par les acteurs régulés, que Taurus cible en priorité pour vendre ses solutions de stockage et de tokenisation.
C’est le moment choisi par Taurus pour lever 65 millions et accélérer le développement des activités à l’international. Lamine Brahimi partage avec «Bilan» la stratégie d’expansion du groupe, au Moyen-Orient et en Europe, et sa vision pour le futur des actifs digitaux.
Parmi les investisseurs dans votre levée de fonds de 65 millions, on ne voit pas d’acteurs du monde des cryptos, mais des banques partenaires et clients historiques. Pourquoi ce choix?
Quand nous ouvrons notre capital, nous en parlons effectivement à nos clients. C’est le cas de Credit Suisse, que nous avons accompagné dans la tokenisation d’Alaïa Bay à Sion, et qui a assumé le lead ce tour de table, dans lequel Deutsche Bank et Pictet participent. Des investisseurs historiques comme Arab Bank (qui avait mené la précédente levée de fonds) ou la société immobilière cotée Investis ont accru leur part au capital à l’occasion. Nous avons toujours eu le sentiment que les marchés des actifs numériques allaient basculer vers des entités réglementées. Ce pourquoi nous privilégions les collaborations stratégiques avec des acteurs régulés et reconnus, aux collaborations purement financières.
«L’ouverture sur le monde est déjà à l’œuvre. Sur la dernière année, deux tiers des nouveaux contrats ont été signés à l’international.»
À combien est valorisée Taurus désormais?
On ne donne pas de chiffres exacts, mais les investisseurs du dernier round l’ont valorisée à plusieurs centaines de millions. On parle pour notre série B de transactions minoritaires. Les fondateurs détiennent toujours, et largement, la plus grosse partie du capital.
Jusqu’à présent, Taurus a été surtout dominant sur le marché suisse. Que faut-il pour passer de leader suisse à leader à l’international?
Notre vision est qu’on s’étend à l’international quand on est fort chez soi. L’ouverture sur le monde est déjà à l’œuvre. Sur la dernière année, deux tiers des nouveaux contrats ont été signés à l’international. C’est peut-être moins visible car notre politique est de ne communiquer que quand la solution est déployée et commercialisée par nos clients, et de gros partenariats vont être annoncés prochainement. Mais Taurus a aujourd’hui des clients dans huit pays et sur trois continents.
Vous annoncez l’ouverture de nouveaux bureaux à l’étranger. Quels sont les marchés ciblés en priorité?
Nous allons ouvrir en premier lieu des bureaux à Paris et à Dubaï (sous réserve de l’accord du régulateur), deux places stratégiques qui voient le marché des actifs numériques s’accélérer. Les responsables de ces deux bureaux sont déjà recrutés. Depuis Paris seront également gérés les marchés allemands et luxembourgeois notamment, et Dubaï – outre les Émirats – facilitera notre positionnement en Arabie saoudite, Qatar, Koweït et Bahreïn. Point important, ces bureaux ne se focalisent que sur la distribution de nos solutions logicielles.
«La tokenisation est clé, c’est elle qui fera passer le marché des actifs digitaux de 1 à 10 trillions de dollars ces prochaines années.»
On attend un durcissement régulatoire fort aux États-Unis, après le scandale FTX. N’y a-t-il pas une carte à jouer outre-Atlantique pour Taurus?
Nous ne prévoyons pas d’ouverture de bureaux dans l’immédiat. Je dirais même que pour une fois, l’Europe est en avance en termes régulatoires. On a des clients aux USA, mais on estime que c’est trop tôt pour y aller. On se positionnera quand le cadre réglementaire sera clarifié.
Le fait d’être régulé par la FINMA donne-t-il un avantage quand on échange avec les régulateurs étrangers?
Déjà, il faut savoir que l’expansion à l’international portera sur nos services technologiques – solution de stockage et tokenisation – et non sur nos activités financières réglementées. Nous avons cependant des discussions ouvertes avec les régulateurs en Europe et au Moyen-Orient sur des sujets réglementaires, et le fait d’être nous-mêmes régulés par la FINMA donne incontestablement un gage de crédibilité. Nous restons proactifs – comme cela l’a toujours été en Suisse, au sein du CMTA – dans l’élaboration de standards.
Taurus ne vise donc pas l’étranger avec sa place de marché TDX?
Notre place de marché d’actifs tokenisés est encore jeune. Comme je l’ai dit, on ne s’étend pas à l’international tant qu’on n’est pas fort chez soi.
En termes d’activité, que représente la tokenisation d’actifs pour Taurus?
Solutions de custody et de tokenisation sont liées, Taurus est le seul acteur à pouvoir offrir un service global à ses clients. Nous pensons que la tokenisation est clé, c’est elle qui fera passer le marché des actifs digitaux de 1 à 10 trillions de dollars ces prochaines années. Nous en sommes déjà à quinze opérations de tokenisation (contre quatre il y a un an), incluant du capital-actions, de l’equity, mais aussi de la dette. Nous sommes également en train de finaliser plusieurs transactions avec des compagnies d’assurances, et de grosses marques de luxe. On se réjouit de voir que des banques majeures comme Credit Suisse et Deutsche Bank se lancent dans la tokenisation d’actifs.
En accélérant la régulation du marché, le scandale de FTX ne vous est-il pas finalement profitable?
Tout le monde se serait passé du scandale FTX, mais on n’a vu aucun de nos clients arrêter les actifs digitaux pour autant. Bien au contraire, certains, en tant qu’intermédiaires régulés, ont vu l’activité augmenter. Cela ne fait que conforter notre thèse: pour les banques, il est impératif d’avoir ses propres coffres et de ne pas confier les actifs numériques à des tiers.
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