Ouverture du capital à hauteur de 24 millionsSwissborg se tourne vers sa communauté pour se financer
Cinq ans après son ICO record à 50 millions, la plateforme crypto lausannoise Swissborg va proposer près de 5% de son capital au public. Un pari osé, en pleine onde de choc FTX marquée par la défiance des investisseurs envers les acteurs centralisés.

Ce mercredi à Lausanne, les fondateurs de Swissborg affichent leur confiance, alors même que le séisme FTX continue d’égrener ses victimes dans l’écosystème crypto mondial. Dernière en date, l’américain BlockFi, qui a officiellement cessé ces activités la semaine passée. «Nous sommes parmi les rares à avoir passé l’hiver crypto de 2018, et sommes toujours là aujourd’hui», rassure Anthony Lesoismier, Chief Strategic Officer et cofondateur. Et de mettre en avant une «gestion de bon père de famille», menée par «des professionnels du Wealth Management».
Si le ton rassurant est de rigueur, c’est que Swissborg s’apprête à ouvrir un peu moins de 5% de son capital au public, soit 24 millions de francs d’actions dès le 13 décembre. Valorisation choisie pour la plateforme crypto lausannoise: 500 millions de francs. Un chiffre élevé, mais non excessif pour Anthony Lesoismier, qui met en avant «une évaluation selon les critères classiques de la finance, dont le revenu attendu», menée avec EY. «Notre concurrent bitpanda a fait sa levée de fonds sur une valorisation de 4 milliards, même si c’était pendant le marché haussier», relativise Cyrus Fazel.
Conquérir le marché européen
Dans un contexte de frilosité extrême des investisseurs qualifiés, l’appel à la communauté pour se financer pourrait être perçu comme une solution de secours, faute de VCs prêt à investir dans le contexte actuel. Un doute que balaie Anthony Lesoismier: «C’est dans notre idée depuis le début de faire profiter la communauté des fruits de la croissance. On a du mal avec la façon dont les VCs raisonnent, ce pourquoi à ce jour Swissborg est détenu à 100% par les gens qui travaillent chez Swissborg.»
Objectif affiché de la levée de fonds: obtenir de nouvelles licences, en termes de régulation, qui permettront la diffusion d’une large gamme de produits. En particulier une licence qui ouvrirait le marché européen en tant que «maison de titres». Des discussions seraient déjà entamées avec différents régulateurs. «Nous envisageons également une licence fintech en suisse», évoque Anthony Lesoismier.
Les 24 millions de francs d’actions proposées au public se répartiront en trois tranches de 8 millions, à destination des investisseurs de Suisse, UE et Grande-Bretagne. Une limite de 8 millions qui permet de lever des fonds auprès du public en limitant les formalités régulatoires. Fait surprenant, les actions seront émises sous forme classique (non tokenisées), et ce, alors que Swissborg affiche ses ambitions sur le marché de la tokenisation d’actifs. «Les expériences menées par nos concurrents montrent que l’émission d’actions tokenisées n’augmente pas encore significativement la liquidité», relève Cyrus Fazel. Une tokenisation des actions distribuées sera envisagée dans un second temps, peut-être dès 2023.
«Voyager voulait nous racheter, aujourd’hui ils ont disparu et nous sommes toujours là.»
Actions non cotées
La liquidité, précisément, ne sera pas au rendez-vous puisque les actions ne seront pas cotées, et uniquement échangeables de gré à gré. Swissborg ne prévoit pas d’organiser de marché secondaire, ni de définir de cours officiel. Seuls les rapports trimestriels et futurs rounds d’investissements pourront servir à réévaluer les cours. Une absence de liquidité qui n’inquiète pas Cyrus Fazel: «On est sur du seed, les investisseurs n’achètent pas forcément pour trader. On voit que beaucoup de gens qui avaient acheté notre token CHSB lors de l’ICO en 2017 l’ont toujours aujourd’hui.»
Pour convaincre les investisseurs sur du long terme, Swissborg parle d’objectifs de valorisation «de 4 milliards à horizon cinq ans.» Ses fondateurs mettent en avant une «fenêtre d’opportunité» avec la disparition de poids lourds du marché comme Voyager, Celsius, BlockFi ou FTX. «Voyager voulait nous racheter, aujourd’hui ils ont disparu et nous sommes toujours là», sourit Cyrus Fazel. Reste que Swissborg n’a pas échappé à la fuite d’actifs des plateformes centralisées depuis le scandale FTX, mais dans des proportions limitées, selon Anthony Lesoismier, qui parle de «10 à 20 millions les deux premières semaines, avant un retour à la normale.»
Petit acteur, avec ses 700’000 utilisateurs face aux 50 millions de crypto.com ou 80 millions de Binance, Swissborg espère s’imposer sur le marché à la faveur de l’assainissement actuel. Cyrus Fazel relève que «les acteurs suisses de la crypto ont bien résisté aux secousses de 2022. Le fait que les entrepreneurs suisses ont souvent l’expérience en milieu bancaire ou Wealth Management occasionne une gestion plus prudente, qui porte ses fruits quand le marché se retourne.»
Malgré ces arguments, la partie – menée dans un contexte de marché défavorable — est encore loin d’être gagnée. Avec un ticket moyen attendu entre 2000 et 2500 francs, Swissborg devra convaincre 10’000 investisseurs en moins d’un mois pour mener sa levée de fonds à bien.
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