Hedge fundsSurperformance en vue pour ceux qui misent sur les tendances
Les fonds quantitatifs – les trend followers – affichent des rendements de plus de 20% cette année, un succès qui tranche avec la chute des actions. Et le contexte restera porteur pour ces stratégies.

Le retour de la volatilité et des tendances directionnelles fait des heureux. En effet, les hedge funds ont fait leur grand retour cette année, et tout spécialement les fonds quantitatifs, qui suivent des tendances. À savoir les trend followers, également appelés CTA (commodity trade advisors). «L’environnement est idéal pour ces stratégies, car on observe en même temps une forte volatilité et une tendance claire et continue: à la baisse sur les marchés actions et à la hausse sur les matières premières, les taux et le dollar», explique Lionel Melka, responsable de la recherche chez Homa Capital.
Performance à deux chiffres
«Les stratégies quantitatives fondées sur une approche de trend following ou CTA multi-asset profitent effectivement d’un retour de la volatilité sur toutes les classes d’actifs», confirme Mathieu Gilbert, managing partner chez Goal Management. Premièrement, grâce aux grands mouvements sur les devises: le dollar contre le franc suisse a gagné par exemple plus de 8% entre avril et mai 2022. Deuxièmement, le taux américain à 10 ans est passé de 1,75 à 3,15% entre mars et mi-mai 2022 (+80%). Troisièmement, le baril de Brent a grimpé d’environ 80% entre janvier et mi-mars 2022.
Si bien que, au milieu des fortes baisses du marché des actions, les gérants alternatifs qui suivent ces tendances réalisent des performances à deux chiffres depuis janvier: «Toute tendance qui se poursuit dans le temps bénéficie mécaniquement à ces stratégies sur les classes d’actifs concernées», résume Lionel Melka. L’indice de Société Générale, qui traque les stratégies des grands fonds CTA, le SG CTA Index, affiche une hausse de 26% cette année, et l’indice qui suit les hedge funds axés sur le trend following (SG Trend Index) affiche 35%.
«D’une manière générale, [ces stratégies] fonctionnent bien dans des périodes d’euphorie ou de désespoir et beaucoup moins bien le reste du temps.»
Ces stratégies nécessitent toutefois une configuration particulière des marchés. «D’une manière générale, elles fonctionnent bien dans des périodes d’euphorie ou de désespoir et beaucoup moins bien le reste du temps», explique François Lhabitant, CEO et chef des investissements de Kedge Capital.
Pour Mathieu Gilbert, les performances de ces stratégies auraient même pu être encore meilleures en 2022. Mais elles ont été marquées par dix années de politiques monétaires réprimant la volatilité et les grandes variations, ce qui les a rendues moins optimisées pour le grand réveil des tendances.

Pour le reste de l’année, la lisibilité des tendances ne sera pas si évidente, estime Mathieu Gilbert: «Avec un marché actions qui baisse fort mais par phases correctives et sans une réelle capitulation des investisseurs, la volatilité implicite – incarnée par l’indice VIX, par exemple – a du mal à représenter la baisse des marchés d’actions par une hausse exponentielle.»
Peu de lisibilité
Faut-il encore miser sur ces stratégies ou leur efficacité s’élime-t-elle déjà? Un rapport, publié fin mai par une firme de gestion, Versor Investments, estime que les plus gros fonds CTA utilisent des signaux de tendance qui ont perdu certains de leurs attraits au fil des derniers mois. En particulier, la combinaison d’une protection à la baisse et d’une participation élevée à la hausse (appelée convexité) est devenue moins efficace depuis l’an dernier. Le rapport suggère que le succès de ces stratégies en 2021 et 2022 reposait davantage qu’on ne le croit sur une exposition importante aux composantes les moins convexes de ces stratégies.
François Serge Lhabitant n’en fait pas grand cas, détaillant: «Les stratégies de CTA ont toujours eu un comportement cyclique. Elles fonctionnent bien lors de fortes tendances haussières ou baissières, mais perdent de l’argent dans des marchés calmes et peu volatils.» Des études académiques montrent qu’historiquement, les bonnes performances sur des périodes de douze mois sont souvent suivies de faibles performances les douze mois suivants, et réciproquement. L’expert de Kedge met en garde contre le fait d’investir en extrapolant cette dernière observation, «car faire du timing de marché en regardant l’histoire réussit rarement».
Trend durable
Pour lui, le trend following reste attrayant. «Nous sommes entrés dans un cycle de hausse des taux d’intérêt, avec de l’inflation et des problèmes d’approvisionnement sur les matières premières qui pourraient durer plus longtemps que prévu, ainsi qu’une forte volatilité à venir sur le marché du crédit et des devises. C’est un nouvel environnement, mais il devrait continuer à générer de fortes tendances dont les CTA pourraient profiter.»
Mathieu Gilbert tranche aussi en faveur d’une poursuite des bonnes performances des CTA. Il identifie également l’inflation et les hausses de taux comme facteurs de succès pour ces stratégies, qui misent sur les grands mouvements dans les mois qui viennent. «Le retour d’une inflation au-dessus de 5% dans la plupart des pays indique que les mouvements de prix sont plus importants, mais également plus aléatoires. Quant aux hausses des taux courts et au resserrement quantitatif, ils vont favoriser de grandes variations des prix des actifs.»
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