
Et de six! Un Loto du Patrimoine se verra proposé pour la sixième fois aux Français. Si ses débuts s’étaient vus contestés au départ (notamment à cause de la présence médiatique de Stéphane Bern, qui reste la bête noire des universitaires), ils font aujourd’hui davantage l’unanimité chez nos voisins que le recul des âges de la retraite. Quelque deux millions et demi de joueurs y participent, ce qui propulse sur des monuments méconnus une pluie annuelle de quelque vingt millions d’euros. Une goutte d’eau dans le désert des aides du Ministère de la culture, bien sûr. Mais en période de sécheresse, tout apport semble bienvenu. Depuis la première édition, celle de 2018, 762 sites se sont vus aidés, avec 108 projets nationaux et 654 départementaux. Il faut dire qu’aux 125 millions récoltés s’en sont ajoutés 100 autres provenant du mécénat, de souscriptions et (tout de même!) de subventions publiques. La chose ne signifie pas qu’il y a eu des coups de baguette magique. Certains édifices choisis en 2018 restent toujours en chantier.
«Plus de la moitié du patrimoine française se trouve dans des communes de moins de deux mille habitants».
L’édition 2023 propose une liste composée comme d’habitude de manière diplomatique. Il en faut pour toutes les régions, toutes les époques et tous les genres de communautés. Stéphane Bern rappelle du reste volontiers à ce propos que «plus de la moitié du patrimoine française se trouve dans des communes de moins de deux mille habitants». Ils peuvent receler des trésors sans que ce soit pour autant Notre-Dame de Paris superstar. Il ne faut surtout pas oublier les DOM-TOM, avec leurs risques de poussées indépendantistes. Un souhait louable pousse les sélectionneurs, comme on dirait en football, à privilégier les constructions non protégées. Elles restent par définition les plus menacées. S’il y a cette fois davantage d’églises que d’habitude, c’est sans doute pour répondre à l’attaque de Roselyne Bachelot dans son livre «682 jours», dont je viens de vous parler. L’ex-ministre y disait que toutes ne pourraient pas se voir sauvées. La synagogue d’Elbeuf vient à point équilibrer ce cléricalisme. Le Loto n’est pas un fief catholique.

Il y avait trois mille candidatures, faites en présentant un dossier à la Fondation du Patrimoine. Il fallait y montrer bien sûr l’intérêt ou la particularité d’un édifice, mais aussi une «capacité à supporter le projet de rénovation». Ce chiffre de trois mille dit bien les besoins dans un pays axé sur des projets phares spectaculaires et ruineux. Ont été choisis cette fois l’aqueduc romain d’Ansignan, dans les Pyrénées-Orientales, comme la sucrerie des Trois-Rivières à la Martinique, les ateliers de vitrail Lorin de Chartres, la Maison de Columba en Corse du Sud ou le château de Montmuran en Ile et Vilaine. Parmi les édifices religieux, un gros morceau du type Chartreuse de Notre-Dame-des-Prés dans le Pas-de-Calais cohabite avec le modeste Saint-Antoine-de-Padoue à Saül, sur l’île de La Réunion. On sait déjà que Dassault Histoire et Patrimoine fera l’appoint pour l’atelier de vitraux de Chartres à hauteur de 180 000 euros.

Modestes face aux (inutiles?) 450 millions d’euros pour la réfection du Grand Palais parisien, ces sommes se montreront les bienvenues. La nouvelle ministre de la Culture Rima Abdul Malik les a comme de juste instrumentalisées avec des mots creux: «C’est un catalyseur de mobilisation citoyenne.» J’aurais plutôt tendance à parler de cache-misère, hélas.
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France – Sixième édition pour le Loto du Patrimoine!
L’initiative, qui rapporte 20 millions d’euros par an, est entrée dans les mœurs. Le choix actuel se veut très politique et donc pondéré.