
Cette semaine rencontre avec Diane Reinhard, cofondatrice du Cercle Suisse des Administratrices, présidente de Board2win SA et membre du Conseil d’administration de Fairbrands SA.
Économiste de formation, spécialisée en finances et controlling, elle a travaillé dans l’industrie des machines, puis comme Professeure HES chargée de recherche appliquée en économie régionale. Elle a ensuite fondé une première société dans les finances et une seconde dans le placement.
Durant toute sa carrière, elle a mis en place des structures favorisant l’accès des femmes aux postes de gouvernance.
Mon constat après 10 ans d’activité dans le placement de femmes dans les Conseils d’administration
Il y a dix ans lorsque j’ai créé Board2win (société spécialisée dans le placement de femmes dans les Conseils d’administration), les entreprises affirmaient haut et fort qu’elles cherchaient des femmes pour leurs Conseils d’administration, mais qu’elles n’en trouvaient pas.
Chiche, nous allions leur proposer des femmes aux compétences diversifiées et hautement qualifiées pour répondre à leur demande de féminiser leurs Conseils et par là augmenter leur performance.
En dix ans, les choses ont bougé pour les entreprises cotées en raison du changement de loi et de la pression médiatique. Cette poignée d’entreprises atteint aujourd’hui l’objectif des 30% de femmes exigé dans les Conseils d’administration.
Pour la majorité des entreprises suisses, les PME non cotées, le curseur n’avance que très lentement, à coups de 10e de pourcentage, aux alentours des 17%-18%.
La cooptation a toujours la cote
Seuls 5% des postes de Conseils d’administration sont repourvus par l’intermédiaire de chasseurs de tête. La majorité des conseils d’administration continuent de recruter leurs membres parmi leurs «copains» et n’ont pas professionnalisé le processus.
Les membres des Conseils sont majoritairement des hommes, baby boomer, sortant des mêmes écoles, faisant partie des mêmes cercles. Difficile dans ces conditions d’élargir l’horizon de recrutement et de favoriser la confrontation des idées.
Ce sont toujours les mêmes personnes qui sont nommées. Sous couvert qu’on les connaît et qu’elles ont fait leurs preuves, le cercle des papables stagne et n’intègre pas les «newcomers».
Pourquoi changer de mode de recrutement et diversifier les Conseils d’administration?
Le monde change, on voit apparaître de nouveaux modèles d’organisation du travail: plus de flexibilité, plus de collaboration, le travail doit donner du sens, le capital humain est au cœur de la performance de l’entreprise. Les avancées technologiques, l’IA, le cyber, la RSE sont autant de changements qu’il faut appréhender et intégrer dans la stratégie des entreprises.
Jongler avec tous ces paradigmes demande un rééquilibrage de la composition des Conseils, la compréhension profonde des mouvances, la prise en compte des différents vécus des clients et des collaborateurs, de la société en général… soit aussi une présence accrue des femmes qui représentent un peu plus de la moitié de la population et 80% des décisions d’achat.
Place aux Conseils agiles, faits d’hommes, de femmes, de jeunes et de seniors, qui ensemble seront capables, par une approche multi- facette, d’élaborer les stratégies du futur!
L’expérience faite avec mes clients ces dix dernières années me prouve qu’il faut aller chercher au-delà de son propre cercle de relations pour composer un Conseil d’administration.
Et en plus? Que faire personnellement quand on est femme et qu’on voudrait intégrer un Conseil?
Les membres des Conseils traditionnels vous répondront: se faire connaître, réseauter, réseauter, réseauter… Ceci implique d’avoir beaucoup de temps, une disponibilité que n’ont que peu de femmes. Cet investissement de réseautage à l’envi se solde souvent par un résultat mitigé.
Opter pour une stratégie personnelle de postulation dans les conseils d’administration
95 % des postes sont repourvus par cooptation, il fallait donc trouver autre chose que la chasse de tête: créer une méthodologie basée sur une attitude proactive des candidates et utilisant les outils du réseautage et de la planification stratégique.
L’élaboration et la réalisation de sa propre stratégie de postulation s’avère être pour une femme le moyen le plus efficace d’obtenir un mandat.
Elle se résume en quelques étapes très simples que je souhaite partager ici:
La connaissance approfondie de ses expertises (métiers traditionnels ou émergents, maîtrise des règles de gouvernance) dans les deux rôles du CA à savoir le contrôle et la stratégie.
Le ciblage de ses «clients» : Quel sera le terrain de chasse? Cherchez les entreprises qui vous font vibrer, celles dont le développement vous donne envie de vous investir. Cette priorisation des entreprises est nécessaire pour la mise en place d’un plan d’action concret.
La préparation de présentation personnelle à travers: a) Le message: une fois la cible connue, la proposition de valeur principale doit se transformer en un pitch attractif, du vécu, de l’enthousiasme, du storytelling. b) Le CV «administratrice» : votre proposition de valeur stratégique sur une page. c) Le profilage LinkedIn: votre proposition de valeur dans des «post’s» réguliers en lien avec les préoccupations des entreprises visées.
Le tour d’horizon des personnes à contacter: grâce aux outils tels Zefix et LinkedIn, il est facile de connaître le «who is who» des Conseils d’administration visés et d’entrer en contact avec les décideurs de manière agile et intelligente.
Le choix du moyen de prise de contact: direct ou indirect, téléphone, lettre, envoi de CV, LinkedIn…
La planification et le suivi des prises de contacts.
Toutes ces différentes étapes feront dès le départ l’objet d’une planification générale entrée dans votre agenda en temps «plan de carrière Administratrice».
La démarche demande du temps, par contre, l’attitude proactive, l’introspection et l’analyse globale qu’elle nécessite, s’inscrivent dans une démarche systématique de veille, identique à celle du rôle d’administrateur. Les personnes l’ayant appliquée ont obtenu un mandat dans les deux ans.
Femmes, à vous de jouer!
J’aimerais associer ma relectrice Marie De Fréminville, past présidente du Cercle Suisse des administratrices, à ma conclusion: les petits ruisseaux font les grandes rivières, grâce aux actions cumulées des entreprises qui professionnalisent le recrutement, à la qualité des candidates, aux initiatives privées et personnelles, aux actions du Cercle, l’amélioration est tangible.
À nous tous de continuer de jouer!
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Rencontre avec Diane Reinhard – «Seuls 5% des postes de Conseils d’administration sont repourvus par l’intermédiaire de chasseurs de tête»
Parce que plus d’égalité hommes-femmes c’est aussi plus de femmes dans les instances représentatives et dirigeantes, Femmes Leaders by Bilan vous propose chaque mois une rencontre avec une femme membre d’un conseil d’administration. De quoi inspirer de nouvelles candidatures? Un texte réalisé en partenariat avec le Cercle Suisse des Administratrices.