
Ouf! Les choses avancent. Ce qui pouvait sembler à l’origine le projet muséal le plus irréaliste de France prend forme. Au sens propre, du reste. Le Musée du Grand Siècle, à aménager dans une ancienne caserne de Saint-Cloud, a trouvé son bâtisseur. Il s’agit sans surprise d’un «archistar», même si le cabinet de Rudy Ricciotti ne possède pas la taille de ceux de Jean Nouvel, de Norman Foster ou de David Chipperfield. L’homme, qui fêtera ses 70 ans en août, n’en constitue pas moins une célébrité. On lui doit aussi bien le MUCEM de Marseille que le nouveau stade Jean-Bouin. Ce Français d’origine italienne, né en Algérie et formé à Genève (Ecole technique supérieure ou HEPIA) a déjà beaucoup travaillé pour des musées. On lui doit notamment la spectaculaire installation des arts islamiques au Louvre, qui mériterait de se voir mieux entretenue.
«J’ai déjà transformé des casernes en nouveaux lieux culturels.»
Je ne vais pas vous raconter en détail la genèse du Musée du Grand Siècle. Je me contenterai d’en rappeler les lignes essentielles. Tout est né d’un don promis par Pierre Rosenberg, directeur honoraire du Louvre. L’homme a rassemblé 3500 dessins et 690 tableaux. Entre autres! Ce fervent admirateur de Nicolas Poussin avait au départ envisagé une donation aux Andelys, cité natale du peintre. Difficile de faire plus perdu. Le désert normand. S’est alors présentée l’occasion fournie par les Hauts-de-Seine. Ce dernier se voyait présidé par un homme de culture, et qui plus est de culture classique, Patrick Devedjian. Las! L’élu a été en mars 2020 l’une des premières victimes du Covid. Il fallait que son successeur poursuive le projet. Heureusement, Georges Siffredi (aucun rapport avec le «hardeur» Rocco Siffredi!) a maintenu l’idée. Le Musée du Grand Siècle, qui accueillerait la collection Rosenberg, des œuvres mises en dépôt par les musées français et des ensembles donnés ou légués par d’autres amateurs prenait vie.
Un escalier à grand spectacle
C’est l’ancienne caserne Sully, construite sous le règne de Charles X (1824-1830) qui doit servir de cadre. Il a fallu tout désamianter. Des constructions parasites seront démolies. Ricciotti, qui a expliqué au «Point» avoir «déjà transformé des équipements militaires en lieux culturels», devra rendre l’endroit plus aimable. Nous sommes entre la route A13, particulièrement chargée, et une Seine pour le moins grisâtre. Non loin finalement du Musée de la céramique de Sèvres. Ricciotti a décidé un accès par le nord, avec place piétonne. Il restaurera les deux bâtiments, plus ou moins évidés. Prendra notamment place ici un escalier «à la Chambord» (ou au «pozzo di de San Patrizio» à Orvieto, si vous préférez). Il y aura donc une double révolution de marches, les deux cheminements ne se croisant jamais. La chose fait déjà l’admiration tant des architectes, ce qui pourrait sembler logique, que des défenseurs du patrimoine. Et là, ce n’est pas chose facile…

Ricciotti, qui a le verbe facile et la langue rarement dans sa poche, parle d’une «architecture généreuse». Il lui faudra cependant agir en dépensant le moins possible. «Pour ce qui est des coûts, je resterai au ras des pâquerettes.» Il y aura cependant un pavillon entièrement nouveau, dit «du Belvédère». Il se verra surmonté d’une résille de béton. Il comprendra, en cette même matière, des arbres blancs comme on en fait depuis la Villa Noailles à Hyères par Robert Mallet-Stevens, qui date des années 1920. Une sorte de «folie» dans le goût de l’Ancien Régime. Les travaux devraient commencer par une enveloppe de 100 millions fournis par les Hauts-de-Seine, en 2023. L’ouverture au public reste prévue pour 2026.
«Tous les aspects de l’époque se verront reflétés et nous ne ferons pas l’impasse sur les sujets qui fâchent.»
A la tête intellectuelle du projet, Alexandre Gady en a rappelé les grandes lignes lors d’une conférence de presse le 4 juillet, à laquelle je n’ai hélas pas pu me rendre. La période abordée sera large. Elle partira de l’avènement (contesté) d’Henri IV en 1589 pour se terminer avec la fin de la Régence de Philippe d’Orléans en 1723. «Tous les aspects de l’époque se verront reflétés et nous ne ferons pas l’impasse sur les sujets qui fâchent», a déclaré l’historien. Il est permis de penser au «Code Noir» sur l’esclavage mais aussi à la Révocation de l’Edit de Nantes ou aux guerres annexionnistes de Louis XIV. Musée du XVIIe, celui du Grand Siècle complétera par ailleurs un parcours historique commençant à Paris par Cluny, qui vient de se voir réaménagé (le Moyen Age), et au château d’Ecouen dans les environs de la capitale (la Renaissance). Saint-Cloud reste moins central que la capitale bien sûr, mais nous ne sommes pas ici au bout du monde comme à Ecouen…

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Institutions françaises – Rudy Ricciotti créera le Musée du Grand Siècle
Prévu à Saint-Cloud, le lieu part d’une caserne ancienne. L’architecte va devoir tout créer au plus petit coût possible. Et sans rien sacrifier!