
Que voir en Suisse ces temps? Que visiter sans se perdre dans le labyrinthe des propositions muséales? Comment combiner ses voyages dans un pays où Genève apparaît toujours plus enclavée, si loin des centres où les choses se passent vraiment… Pas facile de se décider. Je vais donc vous soumettre un certain nombre de propositions. Les expositions citées plus loin ont toutes fait l’objet d’un article au fil du temps dans cette chronique. Vu l’abondance des possibilités, je ne parlerai pas cette fois de manifestations qui m’ont rebuté. Je pense à «Take Care» au Kunsthaus de Zurich, à «Italia» au Kunst Museum de Winterthour ou à «Perfect Love» au Kunstmuseum de Saint-Gall. Sur ce, c’est parti! Pour simplifier les choses, le classement restera alphabétique.
Bâle
A la rencontre de Böcklin. Il ne s’agit pas d’une exposition à proprement parler, mais d’un accrochage. Conçu par Eva Reifert, il tourne autour du symboliste bâlois, mort en 1901, dont le Kunstmuseum détient environ quatre-vingts œuvres. La commissaire en a retenu la moitié pour l’opposer à des toiles sur les mêmes sujets allant du très rococo Jean-François de Troy à l’actuel Cy Twombly. L’ensemble appartient au musée (pas de date finale, www.kunstmuseumbasel.ch)
Georgia O’Keeffe. Après le Centre Pompidou, la Fondation Beyeler. Celle-ci présente la plus célèbre artiste américaine de son temps, morte quasi centenaire en 1986. Il y a d’elles les célèbres fleurs sexuées en très gros plans, mais aussi les paysages urbains des années 1920 ou les grands paysages réalisés à la fin en s’inspirant des terres arides du Nouveau-Mexique. Une occasion à saisir. La femme reste absente des musées européens (jusqu’au 22 mai, www.fondationbeyeler.ch)

Berne
Heidi Bucher, Métamorphoses I. Le Kunstmuseum, que dirige Nina Zimmer, poursuit son offensive féministe. Il consacre deux étages à une plasticienne peu remarquée hors de l’aire germanique. Morte en 1993, la Suissesse s’est notamment fait connaître par les empreintes qu’elle réalisait de maisons familiales, afin d’en illustrer le caractère patriarcal. Le discours restait nouveau à l’époque. L’accrochage possède une beauté un peu funèbre (jusqu’au 7 août, www.kunstmuseumbern.ch)
Bienne
Journées photographiques. C’est la 25e édition d’un festival lancé en 1997. Sarah Girard a choisi de proposer vingt expositions sur le thème de la résilience et du renouveau. Les sujets vont d’une guerre oubliée au Liberia à la nature reverdissant chaque printemps. Les accrochages se trouvent dans divers lieux, d’un étage du Centre Pasquart aux maisons anciennes de la Vieille Ville en passant par le Musée Schwab (jusqu’au 29 mai, www.bielerfototage.ch)

Coire
Angelika Kaufmann, Neu in der Sammlung. La plus célèbre artiste de son temps est née dans la ville en 1741. La peintresse a triomphé à Londres, puis à Rome où elle a parallèlement tenu un salon couru par l’Europe des Lumières. Un amateur a constitué à partir de 1990 une collection de ses œuvres. Il en a rassemblé dix-sept, qu’il a données en 2021 au Bündner Kunstmuseum. Il y a là des mythologies, mais aussi deux tableaux religieux (jusqu’au 31 juillet, www.kunstmuseum.gr.ch)
Genève
Pas besoin d’un dessin. La carte blanche donnée au commissaire Jean-Hubert Martin aura moins polarisé les opinions que celle offerte en 2021 à Jakob Lena Knebl. Le Français a tiré environ 800 objets des réserves. Ils se sont vus regroupés par thèmes, chaque visiteur se voyant prié de faire ses propres associations d’idées. La chose fonctionne mieux pour qui sait que pour celui qui découvre, bien sûr! Le catalogue vient enfin de sortir (jusqu’au 19 juin, www.institutions.ville-ge.ch)
Ecarts et correspondances. Après Silvia Bächli ou Steve McCurry, le Musée Barbier-Mueller a invité le céramiste genevois Jacques Kaufmann. L’homme, qui a beaucoup bourlingué, propose ses œuvres en regards de celles, ethnologiques ou archéologiques, du petit musée privé. Les rapports semblent pertinents, avec ce que cela suppose d’impertinence. La mise en scène est fastueuse. Il y a enfin là de magnifiques objets inédits (jusqu’au 2 octobre, www.barbier-mueller.ch)
Verena Loewensberg. C’était LA femme de l’art concret zurichois. Comprenez par là qu’il n’y en avait pas d’autre. Marchande de disques de jazz pour vivre, Verena a mené une carrière discrète en marge de ses confrères. Le Mamco lui dédie une rétrospective très complète, imaginée en collaboration avec sa fille. Il y a là d’impressionnantes séries de peintures allant jusqu’à sa mort en 1986. Cette abstraite a toujours su éviter la sécheresse (jusqu’au 19 juin, www.mamco.ch)
La Chaux-de-Fonds
Sortir du bois, A la lisière du style sapin. La ville des hauts de Neuchâtel a connu un style Art nouveau original. Plasticiens et architectes se sont alors inspirés de la flore locale. Certaines figures avaient jusqu’ici échappé aux chercheurs. Des femmes principalement. Le Musée des beaux-arts répare cette injustice en montrant Henriette Grandjean ou Sophie L’Eplattenier. Un contrepoint actuel est donné par les «légumistes» Lamarche et Ovize (jusqu’au 29 mai, www.mbac.ch)
Lugano
D’après nature. La photographie a explosé en Suisse comme partout ailleurs à partir de 1840. Afin de marquer son demi-siècle d’existence, la Fotostiftung Schweiz, aujourd’hui logée au Fotomuseum de Winterthour, a conçu une exposition itinérante sur les années 1840-1890. Après l’étape alémanique, voici au LAC celle en terre italophone. Il y aura ensuite Photo Elysée à Lausanne. Fragiles, les images changent en partie chaque fois (jusqu’au 3 juillet, www.masilugano.ch)
Martigny
Jean Dubuffet. La Fondation Gianadda propose pour quelques semaines encore une rétrospective dédiée à l’art «matiériste» du créateur de l’art brut. Elle a été conçue en partenariat avec le Centre Pompidou. Celui-ci a expédié en Valais des œuvres couvrant toutes les périodes, des inventions vivifiantes des années 1940 aux productions répétitives de la fin. L’accrochage apparaît certes honnête, mais il laisse tout de même un peu sur sa faim (jusqu’au 6 juin, www.gianadda.ch)
Vevey
Art cruel. Dans les églises catholiques ou les galeries princières, la peinture forme un véritable théâtre de la cruauté. On ne sait pas qui se montre le plus méchant, des dieux dont Ovide raconte les ruses aux Romains multipliant les martyres avec une imagination sans cesse renouvelée. Forte de cette constatation, Claire Stoullig a sélectionné environ 200 œuvres sur papier anciennes, modernes et contemporaines, d’Albert Dürer à Jérôme Zonder (jusqu’au 31 juillet, www.museejenisch.ch)

Winterthour
Cranach. Sorti du néant, Lucas Cranach bouleverse la peinture germanique à son arrivée à Vienne en 1501. La Collection Reinhart, qui possède de lui les célébrissimes portraits de Johannes Cuspinian et de son épouse Anna Putsch de 1503, a réuni autour de ces deux chefs-d’œuvre une exposition dossier. Une quinzaine de pièces seulement. Cet accrochage de poche partira ensuite pour l’Autriche. C’est dans la logique des choses (jusqu’au 12 juin, www.roemerholz.ch)
Manon. La Bernoise de Zurich sentait le soufre dans les années 1980. Cette révoltée est ainsi devenue «la femme au crâne rasé», ce qui restait peu courant à l’époque. A Paris, elle a viré à la photographie en se mettant davantage devant l’appareil que derrière. Autant dire que la dame avait un praticien. La Schweizer Stiftung lui offre à 81 ans une nouvelle visibilité avec une mise en scène pour une fois imaginative et spectaculaire au Fotomuseum (jusqu’au 29 mai, www.fotostiftung.ch)
Yverdon-les-Bains
Transformations! La Maison d’Ailleurs se penche sur les super-héros, nés dans l’Amérique de la fin des années 1930. Il s’agissait alors d’une sous-culture s’adressant à un public supposé enfantin ou infantile. D’où des publications sur un papier très pauvre. Les intellectuels actuels voient au contraire là une mine de créativité populaire. Marc Atallah a conçu une exposition foisonnante en utilisant à la fois la Maison et l’Espace Jules-Verne (jusqu’au 6 janvier 2023, www.ailleurs.ch)

Zurich
Im Wald. Ou «dans la forêt». Le Landesmuseum consacre son plus vaste espace temporaire à une magnifique exposition sur ces arbres qui nous entourent. Le parcours part de la préhistoire pour se terminer avec les menaces actuelles pesant sur nos «poumons verts». Pensez à l’Amazonie. Il y a aussi bien des documents historiques que des œuvres d’art, anciennes et modernes. Je citerai les noms d’Ugo Rondinone et de Julian Charrière (jusqu’au 17 juillet www.landesmuseum.ch)
Yoko Ono. «This Room Moves art the same Speed as the Clouds.» Après Lyon, la veuve de John Lennon se retrouve au Kunsthaus. Elle bénéficie dans la nouvelle aile d’une présentation efficace, parce que ramassée. Il n’y a pas trop de choses. Les items rappellent avant tout les années 1960, quand la Japonaise vivait au milieu des membres américains de Fluxus. Des performances reconstituées se voient périodiquement offertes au public (jusqu’au 29 mai, www.kunsthaus.ch)
Au nom de l’image. L’islam est supposé opposé aux images. L’Occident passe pour les adorer. Les choses ne sont pas si simples, du moins sur le plan religieux. Axel Langer a imaginé pour le Museum Rietberg une exposition culottée. Elle met en miroir un Orient tolérant parfois des figurations (comme en Perse et en Inde) et un Occident ayant connu deux grands iconoclasmes, l’un à Byzance, l’autre à la Réforme. Attention! Derniers jours (jusqu’au 22 mai, www.rietberg.ch)

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Expositions suisses – Que voir de bien en ce moment de Bâle à Lugano?
Voici un choix de propositions. L’offre est très riche. Variée en plus. Il a donc fallu que je me limite. C’est plutôt une bonne nouvelle, non?