Intégrité numériqueProtection des données: les Suisses affichent leur défiance envers les institutions
Aucune institution suisse ne rencontre plus de 40% de sondés confiants dans la gestion de leurs données personnelles selon une étude parue ce jour. Si la Confédération apparaît légèrement plus rassurante, seuls 5% des citoyens font confiance aux banques.

Le rejet est massif, et le bilan du sondage mené auprès de 1000 Suisses par la société de cybersécurité Ubcom à Martigny sans appel. Il met en lumière une véritable crise de confiance des Suisses envers leurs institutions concernant le traitement et la protection de leurs données personnelles.
Premier incriminé, «l’acteur privé» en général, que 59% des sondés n’estiment «pas digne de confiance», confirmant ainsi le rejet en mars 2021 par le peuple à plus de 64% d’une identité numérique gérée par des organismes non étatiques. Un chiffre de nature à nourrir la polémique grandissante autour des autorités fribourgeoises, qui ont confirmé cette semaine la mise en place d’une identité numérique gérée par le privé SwissID à échelle cantonale. Une démarche largement dénoncée sur les réseaux sociaux comme une tentative de passage en force, notamment par Jean Philippe Walther, ancien préposé fédéral suppléant à la Protection des données.
Très forte défiance envers les banques
Parmi ces acteurs privés, la palme de la défiance échoit au secteur bancaire auquel seuls 5% des Suisses sondés font confiance pour la protection de leurs données. Pour Frans Imbert-Vier, CEO d’Ubcom et mandataire de l’étude, la «désacralisation de l’établissement bancaire» est actée: «La fragilisation du système au travers de la fin du secret bancaire, les affaires Credit Suisse ou «Panama Papers» participent de cette désacralisation. Sous l’impulsion des néobanques, on a maintenant affaire à un produit de consommation comme un autre, donc pas plus digne de confiance.»
Les GAFAM ne font guère mieux avec 6% de sondés rassurés sur la gestion de leurs données. Une «bonne nouvelle», pour Frans Imbert-Vier: «Microsoft Azur, «Cloud de confiance», Gmail, «messagerie de confiance», la communication massive des lobbyistes des GAFAM ne suffit pas à berner les Suisses.» Quatre-vingt-cinq pour cent des sondés disent se savoir observés à des fins publicitaires et de renseignements, les données jugées les plus sensibles étant les communications et e-mails privés (à 72%) et les données de santé (68%).

La Confédération paie les scandales
Si le secteur privé cristallise les défiances, la Confédération ne rassure pas clairement avec seulement 39% de sondés confiants dans sa capacité à protéger les données des citoyens. «Un très mauvais score», selon Frans Imbert-Vier, qui met en avant les scandales récents comme celui de la gestion du cloud de la Confédération confié à un consortium de sociétés étrangères cet été. Un choix qui a provoqué une levée de boucliers, puis le lancement d’une initiative pour la «souveraineté numérique» en octobre. Pour Frans Imbert-Vier, «les politiques n’apparaissent pas crédibles ni légitimes sur la question. L’affaire du cloud semble montrer que les acteurs régaliens n’ont pas la compétence ni le recul pour mesurer les conséquences de telles décisions sur la souveraineté nationale.»
Les Suisses, plus conscients que la moyenne européenne
Même sur les points sur lesquels les autorités se sont illustrées – comme la lutte contre le cyberharcèlement à destination des plus jeunes, avec des campagnes de préventions en Suisse romande et à Zurich par la police cantonale – la confiance n’est pas au rendez-vous. Deux tiers des sondés considèrent que la Confédération «néglige» la lutte contre le cyberharcèlement. «Pourtant, les autorités sont plus actives que dans les pays voisins», relève Frans Imbert-Vier, qui voit en ce résultat «l’exigence très forte des Suisses, et une tolérance zéro pour des pratiques aboutissant parfois au décrochage scolaire, voire au suicide».
En comparaison avec la même étude menée au Benelux, en Grande-Bretagne et en Allemagne, le CEO d’Ubcom note une maturité et une conscience des enjeux de l’intégrité numérique «beaucoup plus avancée que la moyenne européenne». Une donnée à prendre en compte par les institutions du pays pour renouer la confiance avec les citoyens et consommateurs.
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