Généralement, les propriétaires d’œuvres d’art détiennent ces dernières dans leur patrimoine privé, comme leurs autres biens mobiliers (tels leurs voitures, montres ou bijoux). Dès lors, ils sont généralement soumis à l’impôt fortune.
Cependant, le droit suisse connaît l’exception «des biens meublants» qui exonère de l’impôt fortune les biens mobiliers «meublant» ou «décorant» la résidence principale du contribuable. A fortiori, les œuvres d’art décorant le domicile du collectionneur ne seraient pas incluses dans la fortune du contribuable. A contrario, les œuvres d’art entreposées dans un coffre-fort, aux ports francs, ou exposées dans un lieu d’exposition hors du domicile du contribuable font partie de la fortune imposable du contribuable.
Différences entre les cantons
Fédéralisme oblige, les pratiques cantonales varient quant à l’application de cette exception aux collections d’art, tout comme dans la détermination de la valeur fiscale des œuvres. À titre d’exemple, Genève exonère toute collection d’art exposée à la résidence du contribuable. Certains cantons requièrent du collectionneur qu’il prouve l’aspect décoratif de l’œuvre. D’autres cantons taxent de facto les œuvres émanant d’artistes bénéficiant d’une certaine côte sur le marché. À Berne, lorsque les collectionneurs d’art exposent leurs œuvres dans les salles de conférences du cabinet où ils exercent une profession libérale, ces dernières sont assimilées à de la fortune commerciale et taxées comme telle.
Aussi, pour déterminer la valeur fiscale d’une œuvre d’art, certains cantons prennent en compte la valeur d’assurance de l’œuvre, d’autres sa valeur d’achat, ou encore son prix de vente.
En cas de vente
Lorsque les œuvres d’art sont vendues, l’enjeu pour l’autorité fiscale est de qualifier la vente d’activité professionnelle et ainsi de pouvoir la soumettre à l’impôt sur le revenu.
À l’inverse, il s’agit pour le collectionneur de démontrer que la vente résulte d’un hobby ou de la gestion de sa fortune privée pour qu’elle en soit exonérée. Lorsque les ventes sont ponctuelles et relèvent de faibles montants, cette qualification est aisée. Dans d’autres circonstances, les autorités fiscales ont beau jeu de qualifier la vente d’activité professionnelle. Pour ce faire, il leur suffit qu’un seul des indices suivants, établis par la jurisprudence du Tribunal fédéral, soit admis: «le caractère systématique ou planifié des activités; la fréquence des opérations et la courte durée de possession; l’utilisation de connaissances spéciales, etc.» (liste non exhaustive).

Hériter n’est pas (forcément) payer
Enfin, lorsqu’un collectionneur transfère sa collection d’art à sa descendance ou à son conjoint, ou à son propre véhicule juridique, les impôts sur les successions et donations s’appliquent. Dans les deux premiers cas, la majorité des cantons exonère de tout impôt ces donations ou legs. Dans le dernier cas, ces transferts sont fortement imposés (proche de 50% d’impôts), sauf si l’entité bénéfice d’une exonération fiscale ou si son siège est dans un canton ne connaissant aucun impôt sur les donations et successions.
Ce petit aperçu donne une idée de la complexité du régime fiscal des œuvres d’art en Suisse. Il n’aborde pas toutefois la pratique de nombreux collectionneurs qui font le choix de transférer leur collection à leur propre structure juridique, soit dans une société (S.A. ou Sàrl) soit dans une fondation suisse ou un autre véhicule à l’étranger, afin de garantir une planification successorale et fiscale optimale. C’est une autre histoire passionnante que j’adorerais aborder dans un prochain article!
* B & B Avocats; Arie Art Agency
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Petit tour d’horizon de la diversité des pratiques fiscales s’appliquant aux œuvres d’art en Suisse.