Le 28 juin dernier, l’ASB a émis deux Directives, l’une concernant l’intégration des préférences et des risques ESG dans le conseil en placement et la gestion de fortune, et l’autre traitant des hypothèques relatives à l’amélioration énergétique des bâtiments.
Pour mémoire, le cadre général en Suisse des réglementations ESG et/ou de finance durable est scruté notamment par l’industrie et ses conseillers juridiques, en raison de l’attente de réglementation domestique ayant force obligatoire.
Contexte
En effet, nos voisins européens ont déjà légiféré abondamment, en particulier par le Règlement SFDR ((UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019) et le Règlement taxonomie ((UE) 2020/852) du 18 juin 2020, qu’on ne présente plus et qui sont, en grande partie, déjà en application. On note également que, dans la mesure où des établissements financiers basés en Suisse fournissent certains services à des clients domiciliés ou situés dans le territoire de l’UE, ces réglementations européennes peuvent leur être applicables.
Le Conseil fédéral, conscient de la nécessité de proposer des normes régissant la finance durable, a présenté deux rapports à ce sujet, l’un pendant l’été 2020, et l’autre à l’automne 2021.
En substance, dans le premier, notre gouvernement a manifesté sa volonté d’observer les évolutions du droit étranger en la matière, et a conclu que celles-là pourraient tout à fait servir d’inspiration à la Suisse.
Le second indiquait de façon assez surprenante que d’une part, en l’absence d’analyse d’impact détaillée, les mesures souhaitables ne pouvaient pas encore être décidées et, d’autre part, la seule adaptation (partielle) aux réglementations européennes en matière de transparence ne suffirait pas à la Suisse afin d’assumer un rôle de premier plan.
De nombreux observateurs sont ainsi restés perplexes à la lecture de ce second rapport.
Nouvelle auto-réglementation
Les Directives ASB relatives à l’intégration des préférences et des risques ESG dans le conseil en placement et la gestion de fortune (Directives) ont le statut d’autorégulation libre. Ainsi elles ne sont obligatoires que pour les membres de l’ASB et pour les autres prestataires de services financiers qui s’y soumettent volontairement.
En résumé, les Directives ont pour but de fixer un standard minimal au sein des banques pour le traitement des préférences des clients et des risques en matière d’ESG, et de prévenir le greenwashing.
L’ASB a rattaché le champ d’application (territorial) et la logique des Directives à la loi sur les services financiers (LSFIN) et à son ordonnance d’application. Les services financiers concernés sont le conseil en placement et la gestion de fortune.
De façon opportune, au vu des interactions entre les droits suisse et européen, tout prestataire en conformité avec le droit européen sera considéré être en accord avec les Directives (cf. art. 4 al. 3) . De façon similaire à la LSFIN, les Directives ne déploient pas d’effet de droit privé dans les relations entre les parties (i.e. les prestataires et leurs clients). Comme indiqué, elles reprennent la systématique de la LSFIN, s’agissant des obligations des prestataires (e.g. devoirs d’informer, suitability & appropriateness, documentation) en y ajoutant les éléments ESG. Bien évidemment, elles font correspondre les préférences ESG des clients avec les placements conseillés ou fournis.
Enfin, elles entrent en force au 1er janvier 2023.
Analyse & Conséquences
En conclusion, de nombreux représentants de l’industrie bancaire suisse espéraient que les règles ESG seraient alignées sur le droit européen et ainsi ne feraient pas l’objet d’un "Swiss finish". En effet, certaines réglementations (LPCC) régissant les placements collectifs étrangers, puis, de façon importante la LSFIN, qui diffère passablement de son modèle européen MiFID II, ont beaucoup compliqué la mise en œuvre dans certains établissements financiers (deux univers différents pour les clients européens et non-européens et des délais différents).
De façon salutaire, grâce à la disposition susmentionnée qui prescrit que la compliance avec le droit européen entraîne celle avec le droit suisse, nous pensons que ce phénomène du Swiss finish n’existera probablement pas en matière d’ESG. Toutefois, pour les établissements appliquant uniquement la LSFIN et les Directives, et non le droit européen, il est possible que l’entrée en force des Directives au début 2023 les oblige à (ré)adapter leur compliance actuelle à la LSFIN.
Il convient ainsi de ne pas se réjouir trop vite et de découvrir ce que la pratique des autorités et les autres réglementations révéleront.

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