Le cloud computing offre des perspectives intéressantes pour le secteur bancaire suisse, même si l’industrie avance lentement, principalement en raison des incertitudes réglementaires. C’est notamment le cas en ce qui concerne le respect du secret bancaire, l’exercice des pouvoirs de surveillance de la FINMA et les obligations relatives à la protection des données personnelles.
Une opportunité à saisir pour les banques suisses
La société de conseil en informatique Information Services Group a publié récemment un rapport indiquant que les entreprises suisses privilégient les contrats cloud "comportant un important élément de cloud privé", ce qui se traduit notamment par l’expansion des centres de données dans le pays pour servir les entreprises suisses.
En effet, l’intensification de la concurrence, l’évolution constante des attentes des clients, l’attention accrue portée à la durabilité ainsi que les événements récents ont mis les banques suisses sous une pression croissante pour qu’elles tirent pleinement parti des opportunités offertes par la technologie et les partenariats potentiels.
Accenture examine les modèles actuels de création de valeur dans son étude "Une perspective sur le futur bancaire suisse", et décrit des chaînes de valeur fortement intégrées avec une utilisation modérée des nouvelles technologies et des structures organisationnelles rigides. Un potentiel de croissance est identifié et l’élargissement de la gamme de produits numériques est un des facteurs importants qui sont identifiés.
Les résultats montrent que la majorité des banques suisses - des banques régionales et cantonales aux grandes banques et aux banques privées - prévoient de faire évoluer leurs modèles opérationnels tout en augmentant leur capacité numérique ainsi que leur agilité technique et organisationnelle.
Après une décennie à la traîne les banques redoublent d’efforts et accélèrent pour migrer vers le cloud
Pour faire face à plusieurs défis tels que l’augmentation du volume de données, le maintien de la relation client à distance avec moins de succursales et l’accélération de la commercialisation des produits numériques, les banques ont accéléré leur cadence en matière de transformation numérique.
Dans les années à venir, on estime que les banques bénéficieront jusqu’à 30% de leurs revenus grâce à des canaux numériques, ce qui exige des banques qu’elles accélèrent l’automatisation et la numérisation des processus lourds afin de pouvoir se concentrer sur le maintien et le développement des relations avec les clients.
Une autre étude récente d’Oracle et d’IBM, intitulée "L’entreprise cognitive pour le cloud ERP Oracle dans le secteur", se penche également sur le modèle économique du secteur. Une nouvelle ère s’ouvre dans le secteur bancaire. Alors que le cloud, l’intelligence artificielle (IA), l’automatisation, l’Internet des objets (IoT), la blockchain et la 5G deviennent omniprésents, leur impact combiné va remodeler les activités futures.
Le cloud oui, mais dans un contexte multi-cloud
Sur le plan mondial, les dépenses des banques en matière de cloud devraient augmenter de plus de 16 % par an jusqu’en 2024, pour atteindre 77 milliards de dollars, avec une augmentation annuelle de 4,5 % de leurs budgets informatiques globaux, selon le cabinet d’études de marché IDC.
Selon Accenture auprès de 100 banques globales, seulement 8 % des capacités informatiques sont exécutées dans le cloud, mais le cabinet de conseil s’attend à ce que ce chiffre double d’ici deux ans.
Aujourd’hui, les régulateurs financiers surveillent de très près la transformation digitale des banques, les incitant à utiliser plusieurs fournisseurs afin d’éviter que les pannes ou les failles de sécurité ne deviennent des problèmes systémiques et afin de limiter leur dépendance.
Un consensus international en faveur du multi-cloud
Aux États-Unis, l’autorité de régulation de l’industrie financière (FINRA) a déclaré dans un rapport en août dernier que les courtiers en valeurs mobilières devraient être en mesure de changer de fournisseur de services cloud lorsque cela est nécessaire et de "tenir compte des risques associés à un éventuel verrouillage". La FINRA a déclaré que les courtiers devraient évaluer "si les options de cloud hybride ou multi cloud sont compatibles avec leurs besoins commerciaux" et envisager "une stratégie de sortie pour atténuer les risques d’un scénario de verrouillage défavorable".
L’autorité de régulation de la Banque d’Angleterre, qui supervise 1 500 institutions financières, envisage de recueillir davantage de données auprès des fournisseurs de cloud public pour évaluer la résilience de leurs services, rapporte le Financial Times. L’année dernière, le régulateur a déclaré qu’il attendait des entreprises qu’elles réduisent "les risques de concentration ou de verrouillage des fournisseurs [et] les accords multiples avec le même fournisseur de services ou des fournisseurs étroitement liés".
Les lignes directrices de l’Autorité bancaire européenne en matière d’externalisation mettent en garde contre le fait de traiter avec "un fournisseur de services dominant qui n’est pas facilement remplaçable". Les banques de l’UE doivent être particulièrement vigilantes en matière d’informatique dématérialisée afin d’éviter tout "point de défaillance unique", selon l’autorité bancaire.
«Se tourner vers plusieurs fournisseurs de cloud n’est pas seulement un impératif réglementaire émergent, c’est aussi une question de bon sens commercial»
La Deutsche Bank transfère ses principaux logiciels de négociation, de gestion des risques et de planification des capitaux vers des bases de données fonctionnant sur Oracle Exadata Cloud@Customer, tout en conservant d’autres capacités informatiques sur Google Cloud. L’entreprise espagnole BBVA utilise Oracle Cloud pour l’apprentissage automatique dans son département marketing, tout en exécutant d’autres tâches sur Google Cloud.
Le recours au multi-cloud doit être envisagé dans le cadre d’une refonte des méthodes traditionnelles de travail des banques
Deloitte avait désigné la gouvernance et la sécurité du cloud comme l’un des "sujets brûlants" identifiés par son audit informatique pour 2021, affirmant que les sociétés financières, en particulier, doivent évaluer et gérer "une dépendance excessive à l’égard de l’un des trois principaux fournisseurs de services de cloud pour prendre en charge les services essentiels".
L’hésitation initiale des banques à recourir au cloud s’atténue, à mesure que leurs dirigeants sont convaincus de sa capacité à leur faire économiser de l’argent et à leur permettre d’effectuer des tâches que les entreprises ne peuvent entreprendre autrement. Les régulateurs ne les en empêchent pas, mais ils sont plus nombreux à pousser les banques à répartir leurs risques entre plusieurs fournisseurs cloud.
Comprendre que le cloud détient la clé pour débloquer la création de valeur dont les banques ont besoin pour survivre n’est qu’une première étape lorsqu’elles décident de s’engager dans leur parcours de transformation. Les banques se tournent vers la technologie pour améliorer leurs marges, réduire leurs coûts et être plus agiles, innovantes et flexibles. Mais la technologie n’est efficace que si elle est adoptée par de nouvelles méthodes de travail. En définitive, il s’agit pour le secteur d’être prêt à changer de l’intérieur et à laisser la magie opérer.

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Place financière suisse – Pourquoi le futur de nos banques est multi-cloud
Le recours au cloud représente une opportunité et un défi de taille pour les banques suisses, aussi bien au niveau technologique qu’opérationnel. Si des incertitudes pèsent sur la réglementation, elles doivent aussi anticiper les éventuelles perturbations en diversifiant leurs fournisseurs.