
C’est un livre qui contient des documents. Edité en anglais, langue internationale, avec des traductions italiennes à la fin, «Photographing Art» réunit en effet les images prises depuis les années 1970 par Franz Egon von Fürstenberg. Ces images ont non seulement été réalisées à Genève, mais à Naples, à Venise, à Grenoble ou à New York. Elles racontent bien sûr les entreprises de son épouse Adelina, la fondatrice du Centre d’art contemporain (CAC). Mais ces clichés montrent aussi de près ceux qui ont fait la création actuelle, de Jeff Koons à Daniel Buren, et de Joseph Beuys à Alighiero Boetti. Notons qu’il n’y a pas ici que du beau monde, pour reprendre une expression devenue désuète. Franz Egon von Fürstenberg a aussi fixé sur le papier baryté des visages moins connus. Tous les noms ne peuvent pas arriver jusqu’au grand public!
Une fondation pionnière
Très remuante, ce qui agace parfois certains, Adelina a joué un rôle considérable en Suisse romande. Arménienne d’origine, née à Istanbul, la femme faisait ses études en sciences politiques à l’Université de Genève quand elle a conçu l’actuel CAC. Il existait alors peu d’institutions équivalentes en Europe, où le premier musée d’art contemporain n’est apparu qu’en 1980. Il s’agissait du Museum für Gegenwartskunst de Bâle, aujourd’hui renommé Kunstmuseum Basel/Gegenwart afin de mieux montrer ses liens avec la maison mère. Longtemps itinérant, le CAC a présenté chez nous en pionnier le pop art, Fluxus, le minimalisme ou le conceptuel. Un activisme qui a physiquement fait venir des gens comme Francesco Clemente (aujourd’hui injustement oublié), Rebecca Horn, Marina Abramovic, Andy Warhol, Joan Jonas ou Laurie Anderson. Adelina a émigré à partir de 1989 au Magasin de Grenoble, avant de monter de grandes expositions notamment dans le cadre de la Biennale de Venise.
Une sorte de chronique
Il fallait garder la mémoire de ces événements allant au-delà de la simple présentation d’œuvres d’art. Il y avait en effet au CAC de nombreuses performances, par définition éphémères, impliquant notamment John Cage ou Trisha Brown. Des gens qu’Adelina accueillait à Genève de manière plutôt spartiate. Le Centre travaillait sans aucuns moyens financiers. Il fallait par conséquent le photographe à même de devenir une sorte de chroniqueur. Ce fut Franz Egon von Fürstenbeg-Herdringen (la famille compte plusieurs branches), rencontré pendant les années universitaires. Adelina en fut la première cliente, et bientôt l’épouse. Une union durable, puisque le couple reste solidement ensemble aujourd’hui.
«Il s’est révélé impossible d’inclure la totalité des photos qu’Egon avait choisies pour ce livre. Dans l’idéal, il faudrait un second volume pour celles qui se sont vues éliminées.»
L’époux a ainsi constitué des archives rares, qu’il convenait d’exploiter. Il y a eu quelques clichés publiés dans l’excellent (et très gros) livre publié par le CAC afin de célébrer son 40e anniversaire d’existence. Mais il s’agissait là d’un ouvrage généraliste. La suite nous vient donc avec «Photographing Art», paru chez Skira en Italie. Tout n’y est pas entré. «Il s’est révélé impossible d’inclure la totalité des photos qu’Egon avait choisies pour ce livre. Dans l’idéal il faudrait un second volume pour celles qui se sont vues éliminées», écrit Adelina dans sa préface. Il convenait en effet de laisser un peu de place aux textes. Franz Egon voulait Denys Zacharopoulos pour commenter ses œuvres. Des contributions d’Alessandra Mammì de Melissa Rérat ou de Lionel Bovier étaient également prévues.
Un empilement de strates
Et à quoi aboutit l’ouvrage? Il ne s’agit pas là de souvenirs, mais plutôt de strates accumulées. Ces dernières illustrent le passage du temps, le changement des pratiques artistiques et enfin le renouvellement des modes. Peu à peu, les images passent du noir et blanc à la couleur. Les artistes femmes se multiplient au fil des pages. Les créateurs du monde entier viennent assez vite se joindre aux Occidentaux. Fondée en 1996, l’entreprise actuelle d’Adelina ne se nomme-t-elle pas du reste ART for the World?
Pratique
«Photographing Art» de Franz Egon von Fürstenberg, aux Editions Skira, 240 pages, textes en anglais et en italien.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Livre illustré – «Photographing Art» devient une mémoire genevoise
Les images de Franz Egon von Fürstenberg racontent l’histoire du Centre d’art contemporain, créé par sa femme Adelina. Un défilé d’avant-gardes…