HôtellerieNouveau cap pour le «Paquebot des Alpes» de Villars
Ouvert en 1913 et exploité durant cinquante ans par le Club Med, le Villars Palace prend un nouveau cap vers le tourisme, la formation et la durabilité. Inauguration le 24 juin.

Surnommé le Paquebot des Alpes depuis sa sortie de terre, en 1912, le Villars Palace se dévoile au public après une rénovation complète de deux ans. Racheté en 2019 par Jérôme de Meyer et Marco Dunand, l’hôtel emblématique des Alpes vaudoises vient compléter le complexe déjà opérationnel du Villars Alpine Resort, qui comprend le Villars Lodge (anciennement Bellevue) et le Victoria Hotel & Residence (anciennement Eurotel).
Ancrage historique
L’histoire de ce complexe est intimement liée au développement de la petite station. C’est avec l’ouverture d’une route permanente depuis la plaine, en 1866, que Villars (VD) est passé d’un petit village rural à une station touristique. Quelques décennies plus tard, la mise en service d’une ligne de chemin de fer depuis Bex a encore contribué à favoriser l’accès à la bourgade, de même que le prolongement de la ligne jusqu’au col de Bretaye au début du XXe siècle.
Inauguré la veille de Noël 1913, le Villars Palace est devenu dès le début de son exploitation un must reconnu du tourisme alpin. L’établissement a également pris une place centrale dans la vie du village: «Les anciens, qui l’ont connu avant le rachat par le Club Med, en 1968, se réjouissent de voir ce monument revenir à la station, affirme Jérôme de Meyer. Ils évoquent les histoires qui se sont déroulées ici.»
«Quand le palace s’est retrouvé vide après le départ du Club Med, nous nous sommes rencontrés avec Marco Dunand. Comme moi, il a eu le coup de cœur.»

Le père de Jérôme de Meyer est arrivé à Villars en 1948 comme professeur de mathématiques et physique au Collège Beau-Soleil. Il a racheté l’école en 1959, la faisant prospérer avec son épouse. Jérôme, second de ses neuf enfants, lui a succédé en 1991. Il a également acquis le Collège Champittet, à Pully (VD), avant que les deux établissements n’intègrent le groupe Nord Anglia Education qui gère 79 écoles dans 31 pays, dont il est président en Suisse.
Établi à Dubaï, voyageant entre la Tanzanie, le Moyen-Orient et la Suisse, Jérôme de Meyer a eu à cœur d’investir dans le lieu qui l’a vu naître et grandir. Sur les huit hôtels de Villars, quatre ont été vendus à des fonds étrangers. «Quand le palace s’est retrouvé vide après le départ du Club Med, nous nous sommes rencontrés avec Marco Dunand (CEO du groupe Mercuria Energy Trading), très attaché à la station. Comme moi, il a eu le coup de cœur.» Ravies de voir le destin de l’hôtel rester en mains locales, les autorités de la commune d’Ollon ont joué un rôle de facilitateur dans le développement du projet qui fait l’unanimité dans la région.
Garder le charme d’antan
Le projet n’a pas pour objectif d’accroître les avoirs des deux hommes d’affaires, qui visent au mieux une rentabilité opérationnelle. Aucun chiffre n’est dévoilé quant aux investissements, mais l’ampleur du chantier (17 000 m2 et
125 chambres), mené par le bureau Glatz & Delachaux, laisse penser qu’ils sont conséquents. L’architecte d’intérieur Ottavio di Chio, directeur d’Iconia Group, a apporté sa patte au design intérieur. Les somptueux espaces communs, avec des plafonds à 8 m de haut où sont suspendus d’immenses lustres, impressionnent dès le lobby. L’ensemble offre un voyage temporel à qui veut bien se laisser emporter.
Trois expositions permanentes dédiées à Corto Maltese, à Tintin et au photographe Jimmy Nelson sont aménagées dans les galeries, la bibliothèque d’Hugo Pratt et ses 17 000 ouvrages complètent l’offre. Le bar est un véritable musée dédié à l’histoire du village. Le soin porté à chaque détail, qu’il s’agisse des chambres ou des lieux partagés, est à la hauteur du prestige que veulent donner les propriétaires à cet hôtel. Le théâtre, qui est classé, a été refait dans le respect de son architecture d’origine. Il doit permettre aux troupes locales de se produire et pourrait devenir un lieu reconnu de la scène romande.

Hôtellerie, formation et durabilité
La démarche des propriétaires se veut patrimoniale et philanthropique: «Le Villars Alpine Resort doit contribuer à donner de l’attrait à la station et ce durant les quatre saisons. Son développement repose sur trois piliers: l’hôtellerie, mais aussi l’éducation et la durabilité.» Pour l’aspect éducation, les associés ont développé la Villars Palace Academy, ainsi qu’un partenariat avec l’École hôtelière de Lausanne. Le programme VET by EHL (Vocational Education Training) doit permettre à certains étudiants de suivre une formation en emploi. «Dans de nombreux pays où le tourisme vit une croissance conséquente, les employés hôteliers ne peuvent accéder aux postes de cadre, faute de formation. VET by EH veut remédier à cette situation.»
Une quinzaine d’étudiants de pays comme la Tanzanie, l’Ukraine ou le Cambodge, et dont la plupart bénéficient d’une bourse, s’apprêtent à commencer leur cursus de deux ans cet été. «L’objectif est que ces jeunes, qui vont pratiquer le métier dans leur pays, puissent à leur tour former chez eux une nouvelle génération.» L’activité est essentielle à la viabilité économique de l’ensemble: avec deux rentrées annuelles, une quarantaine d’étudiants seront présents toute l’année sur le site, apportant de la flexibilité en haute saison.
«Durant les cinquante années d’exploitation du Club Med, c’était un vase clos auquel les habitants n’avaient pas ou peu accès. Nous voulons les accueillir de nouveau.»
Les panneaux photovoltaïques sur les balcons du Victoria, le bannissement du plastique jetable, une politique de recyclage ambitieuse et la création d’un grand potager en permaculture s’inscrivent dans une démarche de durabilité. Les propriétaires nourrissent de plus grandes ambitions quant à ce volet. «Nous devons favoriser le transfert des savoirs dans le domaine. Une fondation, Villars Institute, a été créée dans ce sens avec la mise sur pied d’un premier symposium intergénérationnel sur la transition énergétique, une sorte de Forum de Davos de la durabilité pour les jeunes.»
Faire revivre le Palace de Villars et le rendre aux villageois, telle est l’ambition des entrepreneurs: «Durant les cinquante années d’exploitation du Club Med, c’était un vase clos auquel les habitants n’avaient pas ou peu accès. Nous voulons les accueillir de nouveau.»

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.