
Eugène Viollet-le-Duc en avait remarqué certaines quand il a restauré la cathédrale, alors en fort mauvais état, à partir de 1843. Il y avait un peu partout des agrafes métalliques pour soutenir les pierres de Notre-Dame de Paris. Celles-ci ont ensuite été oubliées (les agrafes, pas les pierres!). Il aura fallu l’énorme chantier de reconstruction suivant l’incendie du 15 avril 2019 pour que ces détails architecturaux reviennent à la surface.
Très haut pour l’époque
L’archéologue Maxime L’Héritier, de l’Université Paris8, ainsi pu récemment signer avec sept collègues une étude scientifique venant de paraître. Largement médiatisé faute d’être lu par le grand public, ce texte se penche sur l’usage pionnier du fer lors de la construction de Notre-Dame à partir de 1160. Ses bâtisseurs avaient vite compris que la construction d’un édifice aussi haut pour l’époque (des tours de 69 mètres) allait poser des problèmes sur le moment même, puis sur le temps long. «Ils ont développé une vision dynamique en pensant que des maçonneries pouvaient bouger avec des forces s’exerçant dans certaines directions», a expliqué Maxime L’Héritier à l’Agence France Presse.
«Les concepteurs ont développé une vision dynamique en pensant que des maçonneries pouvaient bouger avec des forces s’exerçant dans certaines directions.»
Pour pallier les dangers de chute, les ouvriers de la cathédrale ont donc fait un usage massif du fer, déjà adopté de manière ponctuelle par les Grecs et les Romains (notamment au Colisée). Notre-Dame contient ainsi plus de mille agrafes de tailles variables, pesant parfois assez lourd. Ces dernières joignent entre elles les pierres de la nef, des colonnes du chœur ou des murs dans les tribunes. Les premières sont entrées en jeu dès le début du chantier, au XIIe siècle. Les successeurs des premiers constructeurs, les travaux ayant duré un siècle, ont repris la technique dans les parties hautes de l’église. L’innovation avait entre-temps fait école. On trouve du métal aussi bien à Soissons, qu’à Chartres ou à Bourges. La restauration actuelle a cependant mis en évidence ces agrafes, offrant aux chercheurs une occasion unique de voir la manière dont progressait le chantier.
«La route du fer»
Les quelque deux cents spécialistes œuvrant aujourd’hui en marge du chantier aimeraient maintenant savoir d’où provenait le minerai, qui semble avoir au moins six origines différentes vu ses diverses impuretés. Ils pourraient ainsi déterminer une sorte de «route du fer». Cette recherche viendrait compléter celle sur l’origine des pierres. Certains spécialistes échantillonnent par ailleurs les forêts afin de retrouver le même type d’arbres que ceux ayant servi à la charpente d’origine, miraculeusement conservée jusqu’au sinistre de 2019.
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Patrimoine – Notre-Dame de Paris tenait avec des agrafes de fer
Le chantier de reconstruction sert aux historiens . Ils ont été frappés par la quantité de métal utilisée au XIIe et XIIIe siècles.