
Une de plus! Je ne sais pas ce qui se passe. Mais toutes les fondations d’art contemporain finissent soit à Venise, soit à Arles. Une manière peut-être de donner un coup de jeune à des cités supposées vieillissantes. Des villes qui se dépeuplent, restant quasi vides en hiver. Des agglomérations qui exigeraient des milliards pour leur préservation, seuls les bâtiments les plus spectaculaires faisant l’objet de réfections souvent très poussées.
Un ancien tribunal racheté
Cette fois-ci, nous sommes dans la Sérénissime. Nicolas Berggruen a annoncé il y a quelques semaines la création de Berggruen Arts & Culture, dont le siège sera le Palazzo Diedo actuellement en travaux. L’entrepreneur («et mécène» comme on dit pudiquement quand on parle de cet homme de 61 ans aux activités contestées) a en effet acquis ce bâtiment prestigieux. Il s’agit là de l’ancien Tribunale di Sorveglianza, dont les activités ont déménagé en 2012. Venise a alors décidé de mettre en vente le palais construit pour les Diedo au début du XVIIIe siècle par l’architecte Andrea Tirali. Berggruen s’est mis sur les rangs pour acquérir le noble édifice situé dans le Canareggio, au nord de la ville. Tout près du quartier juif. Les travaux de transformations, qui devront bien sûr respecter les décors, sont en cours depuis déjà plusieurs années.
«Nicolas Berggruen est un vautour par défaut.»
Qui est Nicolas? Le fils d’Heinz Berggruen, collectionneur et surtout marchand à Paris. Installé un temps à Genève, qui ne l’a pas très bien traité, l’homme était l’un des plus boulimiques amateurs d’œuvres de Paul Klee et de Pablo Picasso. Il a fait de nombreux dons aux institutions avant de créer sa fondation à Berlin. Né en 1961, Nicolas a eu une enfance de «Kronprinz». Education au Rosey à Rolle. Elève turbulent. Puis adolescent rebelle. Il passe pour avoir longtemps refusé de parler anglais, «la langue du capitalisme». Les pires gauchistes de luxe deviennent souvent d’affreux patrons. Nicolas a fait fortune plus tard en rachetant des entreprises en déroute pour une somme symbolique. Le magazine «Forbes» l’a traité sans ménagement de «vautour par défaut». Une qualification plus redoutable que celle de «milliardaire sans domicile» faite par la presse «people», où on a pu voir Nicolas avec des mannequins longilignes et inexpressifs ou des starlettes avides de publicité.

L’homme qui pèserait aujourd’hui 2,3 milliards de dollars, s’est donc offert le siège historique portant le nom d’une dynastie connue depuis la nuit des temps vénitiens. Ou plutôt celui de l’une de ses branches. Comme souvent dans la Sérénissime, il y avait ici des rameaux multiples. On comptait à la fin du XVIIIe siècle cinq familles Diedo. Les lieux sont actuellement rénovés par l’architecte local Silvio Fassi. Une fois le chantier terminé il y aura là un centre dirigé par Mario Codognato. Il organisera des expositions, mais aussi des colloques, des installations et des résidences artistiques. Le premier invité sera l’Américain Sterling Ruby, 50 ans. Un produit Gagosian. Ce dernier prendra place assez rapidement. «A Project in Four Acts» suivra la progression de la fin des restaurations. Tout devrait être terminé en 2024 pour la 60e Biennale. Les manifestations futures se feront en synergie avec celles de la Casa Tre Occhi. Une folie Art nouveau sur la Giudecca où se tenaient naguère de bonnes expositions de photographie. Nicolas a créé là le Berggruen Institute en 2021.
De Peggy à Pinault
Berggruen Arts & Culture s’ajoutera ainsi aux deux sites de François Pinault, à la fondation de Miuccia Prada, qui a repris du service après une pause, et bien sûr à celle de Peggy Guggenheim. Mais il existe aussi à Venise une fondation Wilmotte, une Vuitton (au dernier étage du magasin), une Bevilacqua-La Masa, une Francesca Thyssen, une Vittorio Cini, les Stanze del Vetro et j’en oublie sûrement. Il s’agit bien sûr là de produits hors-sol, voués à un public d’amateurs très éloignés des touristes lambda. Comme la Biennale qui vient d’ouvrir, du reste…
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Mécénat – Nicolas Berggruen ouvrira sa fondation à Venise
C’est une manie! L’art contemporain disposera d’un lieu supplémentaire dans la Sérénissime. Il occupera dès 2024 le Palazzo Diedo en restauration.