
Ville universitaire, cité du sud, Montpellier développe de grosses ambitions culturelles. Il y a une place à prendre dans le Languedoc. Ses élus successifs pensent qu’elle est pour eux. Le seul ennui, c’est qu’à chaque changement de Municipalité, les suivants détricotent l’œuvre des précédents. La métropole provinciale vient en plus de prendre une énorme claque avec le «bide» du MoCo (comme Montpellier contemporain). Elle développe pourtant aujourd’hui de nouveaux projets. Je vous raconte.
«Il y a eu avec Africa 2020 des envies et des espoirs qu’on ne peut pas rompre avec la dure loi de l’événementiel qui consiste à cocher une case puis à passer à une autre.»
Les tropiques, tout d’abord. Alors que son prédécesseur Philippe Saurel, socialiste (autrement dit une espèce en voie de disparition comme le rhinocéros blanc ou le panda géant), rêvait d’une Californie française et de créations actuelles branchées, Michaël Delafosse (tiens, un autre socialiste!) porte son regard vers l’Afrique. Un continent très à la mode, soit dit en passant. Tout est parti de l’organisation du sommet Afrique-France, que la préfecture de l’Hérault avait piqué de haute lutte à Bordeaux en 2021. Montpellier proposait dans la foulée une partie de la saison Africa 2020. Il s’agit aujourd’hui de pérenniser cet effort. De manière permanente, la ville fera habiller sa cinquième ligne de trams par Barthélémy Toguo. Le Camerounais en vogue à qui l’on doit notamment une somptueuse installation dans le hall du Louvre en prélude à l’actuelle exposition «Les choses». De manière ponctuelle, le maire entend aussi lancer une biennale africaine axée sur la culture et la recherche.

C’est Vincent Cavaroc, le directeur de la Halle Tropisme, qui portera l’opération. Le monsieur s’est fendu face à la presse des déclarations voulues. «Il y a eu avec Africa 2020 des envies et des espoirs qu’on ne peut pas rompre avec la dure loi de l’événementiel qui consiste à cocher une case puis à passer à une autre.» Une légère distorsion par rapport à la vérité. Le drame actuel est que toute manifestation ponctuelle doit précisément se voir répétée, d’une manière si possible amplifiée. Chacun sait qu’il y a trop de biennales, même si Lyon vient de triompher avec celle d’art contemporain. Elle a accueilli 520’000 personnes dans les derniers mois de 2022. On est plutôt aujourd’hui à la recherche de public. L’expérience du MoCo tentée dans l’Hôtel Montcalm rénové se révèle à cet égard éclairante. Nicolas Bourriaud avait promis à Montpellier un demi-million d’entrées par an. Dès les premiers jours d’ouverture, les espoirs étaient retombés à 100’000. Et je vous ai dit, l’été dernier lors de ma visite en ces lieux, que chaque visiteur éprouvait en dépit de la qualité des manifestations un profond sentiment de solitude.

L’Afrique n’est pas que noire. Il existe aussi les côtes méditerranéennes. Michaël Delafosse vient donc de ressortir d’un tiroir l’idée d’un institut de la France et de l’Algérie. Tout avait commencé en 2002. Georges Frêche, qui a régné durant trois décennies sur Montpellier, lançait le concept d’un musée unissant la France à sa colonie, puis à un autre pays indépendant. Il avait parlé du «Musée de la France en Algérie», ce qui n’était pas très adroit et un peu à droite. Mais il fallait à la fois séduire les descendants des pieds-noirs chassés au moment de l’indépendance, nombreux dans le sud de la France, et la toujours plus importante communauté musulmane. Raté! Son successeur Jean-Pierre Moure avait alors opté pour «Musée de l’histoire de la France et de l’Algérie». Un comité scientifique s’était vu mis en place. Une conservatrice, Florence Hudowicz, était nommée. Un lieu trouvé. L’Hôtel Montcalm, précisément, à restaurer pour vingt millions d’euros. On avait même commencé à acquérir des œuvres et des archives.

Et puis en 2014, patatras! À peine élu, Philippe Saurel torpillait le projet et mettait sur orbite l’opération MoCo, qui allait de pair avec le déploiement d’une école d’art mégalomane. Le fonds acheté pour le musée franco-algérien (600 œuvres et 5000 documents) partait alors à Marseille pour le Mucem. On ignore s’il va en revenir. Michaël Delafosse relance en ce moment la machine. L’élu répond ainsi à un désir présidentiel. «Emmanuel Macron a fait de la réconciliation mémorielle l’une des clefs de voûte de sa diplomatie en Afrique.» Reste que ladite diplomatie prend un peu l’eau, et que nous sommes déjà en seconde (et très houleuse) année de quinquennat. Il faudra du temps à une nouvelle génération d’historiens, détachée du temps des passions (c’est loin aujourd’hui, 1962, date de l’indépendance algérienne!) pour plancher sur le sujet…

Et puis Montpellier ne manque déjà pas de musées, dont l’une des plus importantes institutions de région, le Fabre. Près de 70 salles, et un nouveau directeur (ou une directrice) à trouver. Le très long règne de Michel Hilaire, nommé en 1992, devrait selon mes calculs s’achever bientôt. L’homme fêtera ses 65 ans en avril. Happy birthday! Il ne sera pas facile à remplacer à la tête d’une institution qui a brillamment réussi sa réfection et son agrandissement. La suite au prochain épisode…
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Politique culturelle – Montpellier tourne ses regards vers l’Afrique
La Municipalité prévoit une biennale pour le continent. Elle entend aussi revenir au vieux projet d’un Musée de la France et de l’Algérie.