4h01 séparent Genève de la capitale de la mode italienne. Emporté par le flot des voyageurs pressés, on lève la tête pour s’imprégner de l’architecture monumentale de la gare centrale de Milan. Elle incarne les années 1930 et la mégalomanie de Mussolini. Chaque jour, 320 000 voyageurs y transitent.
À la station de taxi, la foule s’échauffe sauf un chauffeur. Durant le trajet, il passe à confesse: «Je m’installe en Espagne à la fin du mois avec ma famille. » Encore un qui bifurque radicalement de sa voie? La faute à la crise et à la pandémie mais pas aux élections puisque ce voyage a été fait en août dernier. «Et si je mourais demain? Autant réaliser ses rêves», conclut le chauffeur devant mon hôtel.

Nouvelle peau et nouveau départ aussi pour le siège historique du Touring Club Italiano (TCI) construit en 1915. L’association de cyclistes à but non lucratif a été fondée en 1894 pour populariser le vélo et les pistes italiennes avec la publication de guides et cartes géographiques. Au fil des décennies, elle devient la plus importante association touristique italienne. Durant les années fascistes, on la somme de changer son nom too british en la forme italianisée Consociazione Turistica Italiana (CTI). Désormais, le numéro 10 du Corso Italia héberge le Radisson Collection Hotel, Palazzo Touring Club Milan.

Pour les rénovations, le groupe hôtelier a fait appel au Studio Marco Piva avec la volonté de préserver la façade Art nouveau. Côté décoration intérieure, le hall et les 89 chambres marient un design et un mobilier ultra-contemporain au patrimoine de cette adresse iconique. Exemple, la librairie historique du Club et son agence de voyages que l’on traverse pour rejoindre le restaurant Bertarelli, nom du membre fondateur du Touring Club. Partout, des clins d’œil aux petites reines occupent l’espace. Lors du check-in, on nous fait scanner un QR code, nous voilà liés par WhatsApp à la conciergerie qui se chargera de nous piloter à distance durant le séjour. Une aide précieuse.

Comme il est déjà 14h et qu’on se trouve à cinq minutes à pied du Duomo, on file tester le restaurant Temakinho. Tant pis si ce n’est pas italien, on savoure ici un métissage des cultures gastronomiques qui marie sushis et tiraditos à la bossa nova brésilienne. 100 mètres nous séparent de l’entrée du musée Novecento.
Ouverte en 2010, la collection de ce musée retrace les principaux courants de l’art italien du XXe siècle, du futurisme à l’Arte Povera. Les œuvres d’artistes majeurs comme Morandi ou De Chirico s’exposent dans le Palais dell’Arengario aussi construit en plein fascisme. Le plus? La grande verrière dans la salle dédiée aux œuvres de Lucio Fontana et sa vue sur le Dôme. Cinq siècles pour construire la cathédrale de Milan, la troisième plus grande église du monde véritable attraction touristique de la ville.

Bien qu’excentrée, à Largo Isacco, au sud de Milan, l’ancienne distillerie de 19 000 m2 réaménagée par Rem Koolhaas se rejoint en métro. La Fondation Prada propose un regard contemporain sur l’art et le monde.
Parmi les expositions permanentes, on retient l’atelier de feu Jean-Luc Godard. «Le Studio d’Orphée» rassemble mobiliers, livres et autres objets personnels du cinéaste romand, figure phare de la Nouvelle Vague dont on regrette déjà son regard cynique sur l’évolution de notre petit monde. Son studio de montage à Rolle est ainsi reconstitué, une visite truculente pour les fans qui repéreront mille clins d’œil.
Drogheria et Milano-Torino
Aux portes du Corso Porta Ticinese, on flâne d’une berge à l’autre des Navigli, épicentre de la movida italienne. Ces canaux artificiels creusés au Moyen Âge ravitaillaient jadis la ville.
À l’heure de l’aperitivo, on tente le Milano-Torino. Né dans la capitale lombarde, ce cocktail a été inventé vers 1860 par le créatif Gaspare Campari (on lui doit l’apéritif amer contenant 60 ingrédients naturels). Surnommé le Mi-To, le breuvage marie son Campari de Milan avec le Vermouth de Turin servi à proportions égales sur de la glace et avec une tranche d’orange.
«J’ai eu cette adresse de l’ex Miss Suisse, Laetitia Guarino. Elle adore votre restaurant.» Le serveur n’en revient pas. La reine de la beauté 2014 de la Suisse était ici? «Ah vous savez, nos présidents circulent incognito en train et nos stars sont discrètes.»
À la Drogheria milanese, l’heure est aux tapas: poulpe, croquettes d’aubergine à la tomate, spaghettis à l’encre de seiche avant de passer au plat signature, les tonnarelli alla carbonara. On salive à bas prix dans l’ambiance lumineuse d’une ancienne épicerie qui habille ses murs de conserves et autres produits locaux à ramener chez soi.

Dernière halte à la 23e édition de l’Exposition Internationale de la Triennale qui se tient jusqu’au 11 décembre. Les deux commissaires d’expositions sont Ersilia Vaudo, astrophysicienne et responsable de la diversité au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA), et Francis Kéré, fondateur de Kéré Architecture et lauréat 2022 du prix Pritzker d’architecture.
Avec «Unknown Unknowns», on se questionne sur les mystères métaphysiques, les contradictions du présent et sur l’urgence des défis auxquels notre planète est actuellement confrontée. Des œuvres interdisciplinaires habitent l’exposition élaborée sous la houlette de la Fondation Cartier pour l’art contemporain. On en ressort la tête à l’envers.
Infos pratiques: Un grand merci au Radisson Collection.

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Voyage – Milan, visite frizzante
Escapade snackée dans la capitale lombarde, le temps de découvrir la Triennale et quelques bonnes adresses.