
Je vous l’ai dit, répété et même ressassé. L’histoire des arts du XXe siècle s’est longtemps limitée aux avant-gardes. Comme Giorgio Vasari voyait au XVIe siècle la création balbutier au Moyen Age pour s’exprimer enfin pleinement de son temps, les nouvelles tendances devaient mener d’un trait continu du réalisme de Courbet à l’abstraction rigide d’Agnes Martin. Il était pourtant clair qu’on allait percuter le mur après le minimalisme et le conceptualisme. Si le vide menaçait d’un côté, tout le monde pouvait avoir des idées de l’autre.
Montrés par Christian Dior
Suivant comme toujours le chemin frayé par des collectionneurs, certaines institutions ont donc entrepris un travail de réhabilitation des mouvances les plus traditionnelles du XXe siècle. Ecrivain, éditeur du «Promeneur» chez Gallimard, Patrick Mauriès fait partie de ces curieux qui avancent «à rebours», pour piller le titre d’un ouvrage de Joris-Karl Huysmans. Pas étonnant que l’homme soit aujourd’hui le commissaire de l’exposition «Néo-Romantiques, Un mouvement oublié de l’art moderne» au Musée Marmottan de Paris. Il fait même partie des prêteurs. On voit mal qui d’autre aurait parlé de cette nébuleuse formée autour du jeune Christian Bérard ou de ces émigrés russes qu’étaient les frères Berman ou Pavel Tchelitchew. Ce groupe informel flirtait avec le spectacle, les mondanités et la mode. D’où son succès auprès de riches mécènes comme Marie-Laure de Noailles, Helena Rubinstein ou Elsa Schiaparelli. Alors galeriste, Christian Dior organisa du reste leur deuxième et dernière exposition commune en juillet 1939.

Tout avait commencé par une autre présentation globale en 1926 à la galerie Druet. Elle proposait un violent antidote au cubisme ambiant. Les artistes réunis pratiquaient tous une figuration non pas surréaliste, mais «néo-humaniste». Le critique Waldemar George parla alors de «néo-romantisme». Dix ans plus tard, Bérard, les Berman, Kristians Tenny ou Thérèse Debains se retrouvaient dans l’unique monographie sur le mouvement, publiée aux USA. Le titre choisi par James Thrall Soby en était «After Picasso». Oui, mais après le Pablo des périodes blues et roses ou plus récemment de ses toiles ingresques! Encore à ses débuts, André Chastel voyait plutôt là un «néo-maniérisme». Il s’agissait de continuer à produire après avoir regardé les titans du XXe siècle. Un peu comme les Romains ou les Florentins de la seconde Renaissance avaient dû survivre, avec la gueule de bois, à une vision rapprochée de Michel-Ange et de Raphaël.
Un art cultivé
Patrick Mauriès a réuni nombre d’œuvres reflétant le mouvement jusqu’à ses derniers soubresauts dans la Rome des années 1950 et 1960. L’Italie pouvait encore servir de référence à ceux qui voulaient échapper aux «drippings» à la Jackson Pollock ou aux débuts du pop-art. Le «néo-romantisme» constitue en effet une peinture cultivée, comme le prouvent les premières créations de Leonor Fini. Un peu référentielle. Assez décorative aussi, parfois. Marmottan peut ainsi proposer un décor d’appartement et une spectaculaire armoire conçus par les Berman: Eugène ou Léonide.

On eut préféré que la scénographie mette ces œuvres parfois trop charmantes en valeur. Ce n’est hélas pas le cas. Les salles temporaires de Marmottan tiennent du boyau, genre gros intestin. Les trop nombreuses pièces rassemblées remplissent du coup l’espace comme si nous nous trouvions à Drouot ou, pire encore, sur un marché aux puces. Une production aussi fragile n’en ressort pas grandie. N’eut-il pas mieux valu se contenter des œuvres les plus abouties?
Pratique
«Néo-romantiques, Un moment oublié de l’art moderne, Musée Marmottan, 2, rue Louis-Boilly, Paris, jusqu’au 18 juin. Tél. 00331 44 96 50 33, site www.marmottan.fr Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Jusqu’à 21h le jeudi. Réservation facultative.

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Exposition à Paris – Marmottan se penche sur les «Néo-romantiques»
Occulté parce qu’il n’allait pas dans le bon sens de l’histoire de l’art, ce mouvement a touché les années 1920-1970. Il y a beaucoup à découvrir.