Lorsque l’on vit au quotidien dans les vagues et les montagnes russes des bourses mondiales, on apprend assez vite que le mois de janvier est souvent une représentation de l’année qui nous attend. C’est basé sur pas grand-chose et ça n’est sûrement pas la statistique la plus fiable que Wall Street puisse nous offrir, mais on doit quand même vivre avec. Et si l’on se base sur cette croyance ancestrale, l’année qui nous attend promet d’être intense et sportive.
Oui, dorénavant Jerome Powell, président de la Fed, va devoir remonter ses manches sur ses petits bras musclés et donner tout ce qu’il a pour freiner une inflation qui n’avait plus été si forte depuis plus de quarante ans. Et autant dire que ça fait mal aux gens de ma génération de se dire que la dernière fois que l’inflation était aussi forte, la seule préoccupation que l’on avait, c’était de trouver la photo de Michel Platini pour nos albums Panini de la Coupe du monde de 1982.
Hausse des taux en vue, Capitaine!
Pour le moment, l’arme fatale qui est censée freiner cette monstrueuse inflation, c’est la hausse des taux. On connaît le mécanisme: argent plus cher, ça dépense moins, le consommateur se replie devant sa télé au lieu de partir en week-end dans sa Tesla et les choses se calment.
C’est en tous les cas comme ça que ça fonctionne dans les contes de fées. Le problème, c’est que lorsque l’on monte les taux avec pour intention de ramener l’inflation à un niveau normal de 2%, on risque aussi de faire caler cette économie qui redémarre après deux ans de Covid. Powell est dans le rôle du capitaine du «Titanic» au moment où le navire pénètre dans la zone des icebergs, il faut juste souhaiter qu’il saura naviguer avec un peu plus de délicatesse pour éviter le pire.
C’est la grosse crainte avec laquelle nous devons composer en ce moment. Grosse crainte, parce que lorsque les taux montent, les technos descendent. C’est un principe presque aussi vieux que celui d’Archimède. C’est une évidence, la hausse des taux est en train de mettre à mal le moteur des performances boursières de ces dernières années: le secteur technologique.
L’insatisfaction des chiffres
Pendant que la plupart des stratèges bancaires payés à prix d’or sont en train de rivaliser de prévisions pour savoir combien de fois la Fed va monter les taux en 2022, les investisseurs se montrent très pointilleux avec les chiffres trimestriels publiés par les sociétés qui sont, elles, le vrai pilier de l’économie.
Le problème n’est pas tant les chiffres des sociétés elles-mêmes. Non, en ce mois de février, le problème se situe davantage sur le plan de l’interprétation que nous en faisons. Statistiquement (pour autant que cela serve à quelque chose), entre 75 et 80% de sociétés ont fait mieux que les attentes durant les trois derniers mois de 2021. Mais le problème se situe dans l’insatisfaction des investisseurs. Et actuellement, l’insatisfaction coûte très cher, il suffit de demander à Mark Zuckerberg comment il est sorti du top 10 des hommes les plus riches du monde.
Le début d’année aura donc été heurté et déprimant, et la suite devrait alterner entre inflation et insatisfaction. Oui, parce que nous sommes très susceptibles en 2022. Surtout depuis que la Fed n’est plus notre amie.
Thomas Veillet est CIO de Merion Swiss Partners
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La finance décomplexée – L’inflation et l’insatisfaction
En lisant vite le titre de cette chronique, on aurait pu croire que j’ai écrit deux fois le même mot. Or, il y a un monde de différence entre eux, même si en ce moment, dans le monde merveilleux de la finance, ces deux mots sont presque cousins.