
Et de trois! L’incendie de l’Hôtel Lambert à la pointe de l’île Saint-Louis n’aura pas servi d’avertissement en 2009. Le brasier de Notre-Dame sera resté bien trop petit pour alarmer en 2019. L’Hôtel de Seignelay, joyau du XVIIIe siècle, a ainsi pu de voir consumé par les flammes au 80, rue de Lille, le dimanche 6 février 2022 dans la soirée. Il est bien sûr encore trop tôt pour connaître l’étendue des dégâts. Mais les décors intérieurs n’auront pas été miraculeusement préservés, comme dans la cathédrale parisienne. Il semble que sinistre ait ravagé en quelques heures les quatre étages du bâtiment, en dépit de la présence sur place de 150 pompiers. Les salons étaient ornés de peintures et de boiseries, classées monument historique en 1952, l’hôtel lui-même n’ayant été protégé qu’en 2018. Un matériau en forme de fétu de paille idéal pour la propagation du feu…
Un ancien ministère
Discrètement installé dans un tronçon de la rue de Lille où les passants ne passent pas, l’Hôtel remontait au début du XVIIIe siècle. Il avait été conçu par Germain Boffrand pour le comte Colbert de Seignelay, petit fils du célèbre ministre de Louis XIV. Un homme supposé intègre, qui ne s’était pourtant pas oublié au passage, d’où de beaux héritages… De nombreux décors intérieurs, légèrement postérieurs, avaient permis la création de salons rocaille. L’édifice est longtemps après les Colbert passé dans le giron peu maternel de l’État. Ce dernier en fait un ministère de la Fonction publique, puis de l’Industrie. Il y a quatre ans, la France a mis en vente ce bâtiment. Un Hôtel contigu à celui bien plus célèbre de Beauharnais, actuelle ambassade d’Allemagne. L’acheteur était Pierre Kosciusko-Morizet, un entrepreneur médiatique alors âgé de 44 ans. Il en a assez vite entrepris une restauration qui restait dimanche dernier en cours…

Touche d’humour dans cette triste affaire Pierre Kosciusco-Morizet avait alors fondé avec son complice de toujours Pierre Krings l’entreprise Renovation Man. Une plateforme «qui devait réconcilier les Français avec le principe des rénovations», comme l’expliquait admirativement en 2019 le magazine «Forbes». L’Hôtel de Seignelay leur permettait de prêcher par l’exemple. On ne peut pas dire que cela soit une réussite. Leurs espoirs sont partis en fumée dimanche dernier. La cause du sinistre demeure inconnue, mais on parle déjà du fameux «point de surchauffe», comme pour Notre-Dame de Paris. Un point qui aurait eu tout le temps se surchauffer en l’absence des ouvriers et de celle, plus que probable (pour économies?), de surveillants de chantier. Selon des pompiers interrogés, le «point» constitue pourtant la cause du 90 pourcent des accidents intervenant lors de la réhabilitation de bâtiments historiques.

Si la presse parisienne s’est contentée de publier dans ses différents titres le même texte de base, platement informatif, «La tribune de l’art» a posé dès lundi les questions voulues. Comment la chose est-elle possible pour la troisième fois dans une ville dont le patrimoine ancien semble par ailleurs restreint? La conclusion logique du magazine en ligne est que les mesures de sécurité à respecter restent par trop laxistes. L’Etat n’impose quasi rien, en dépit des avertissements. Il se refuse à réglementer en la matière. Le même organe de presse signale par ailleurs que Boffrand semble bien maltraité ces dernières années. Son château de Lunéville, toujours en reconstruction, a brûlé comme une torche en 2003. Le Château du prince Charles, dans la même ville, est laissé à l’abandon en dépit des appels au secours des amis du patrimoine. La France a décidément mal à ses bâtiments historiques, en dépit de certaines de ses rodomontades verbales.
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Patrimoine historique – L’Hôtel de Seignelay a brûlé comme une torche à Paris
L’édifice était en travaux depuis des années. Il semble que la cause du sinistre soit le «point de surchauffe». Comme à Notre-Dame il y a trois ans.