
On ne peut pas dire que la nouvelle ait fait les gros titres. Quelle idée aussi pour la Biennale de
Venise de révéler en 14 décembre le nom de la femme qui dirigera celle d’architecture en 2023! Pris entre les paquets de Noël et les dernières mauvaises dépêches sur la pandémie, le communiqué signé par le directeur Roberto Cicutto avait toutes les chances de passer à la trappe. Seules les revues très spécialisées, ou alors militantes, ont relevé le fait que la 18e édition de la Biennale d’architecture se verrait dirigée par Lesley Lokko.
Passionnée par les langues
Qui est Lesley Lokko? Une enseignante et théoricienne, à moitié Ghanéenne et à moitié Ecossaise, née en 1964 à Dundee. Son père était un médecin venu d’Afrique. Sa mère une Britannique. Notons que le politiquement correct veut aujourd’hui qu’on parle de la femme comme de la première directrice «noire» de la manifestation. Elle est en fait métis, ce qui se voit sur les photos qui flattent une rayonnante personne en fin de cinquantaine. Lesley a été élevée entre l’Ecosse et Accra, où elle vient de s’établir à nouveau. Elle a passé par une école privée, puis par Oxford, où elle s’est simultanément mise à l’arabe et à l’hébreu. Des études linguistiques qu’elle a interrompues afin de se mettre à l’architecture, étudiée aux Etats-Unis.
«L’architecture reste inséparable de la race.»
Lesley Lokko n’a presque rien construit. J’ai juste vu en photo, sur le Net, une image de la maison édifiée pour elle-même en 2004 au Ghana. La quinquagénaire a surtout enseigné dans diverses universités américaines, ou en Afrique du Sud. Elle a du reste quitté, après un an seulement, la Bernard and Anne Spitzer School de New York. La démissionnaire dénonçait le manque d’empathie de l’école pour les Noirs, surtout s’il s’agissait de femmes. Lesley s’occupe pourtant moins de genre que de couleur. Pour elle, «l’architecture reste inséparable de la race». Une déclaration polémique à vérifier dans deux ans à Venise, où l’exposition se déroulera entre le 20 mai et le 25 novembre aux Giardini et à l’Arsenale. Plus bien sûr dans les divers pavillons nationaux, dont la directrice ne sera pas responsable. Son projet se veut, après des années difficiles, en faveur d’un mode de construction (et donc de vie) «plus équitable et plus optimiste».
Fondatrice d’une revue d’architecture
Si le choix d’une femme à moitié noire n’offre rien d’étonnant dans le contexte actuel, un autre élément frappe. Si Lesley Lokko enseigne l’architecture et a fondé une revue africaine sur le sujet, «Folio», il s’agit pour bien des gens d’une romancière. Elle a publié sa première fiction en 2004. L’écrivaine n’a jamais cessé depuis. C’est sans doute là la véritable originalité du choix de l’équipe de Riccardo Ciccuto. Ce dernier a cependant voulu enfoncer un autre clou. Lesley Lokko apportera «son expérience issue d’un continent qui devient progressivement un laboratoire d’idées et d’expérimentations pour l’ensemble du monde contemporain.» Un concept dans l’air du temps. L’Afrique apparaît aujourd’hui comme le «continent jeune» par excellence, l’Occident culpabilisé ayant aujourd’hui acquis une position de vieillard. Notons que, tout aussi juvénile sur le plan de ses populations, l’Amérique du Sud ne produit pas du tout la même impression sur les intellectuels…
N.B. Du 22 avril prochain au 27 novembre 2022 aura lieu précédemment la Biennale des Beaux-arts, 59e du nom. Elle aura à sa tête l’Italienne Cecilia Alemani.
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Vie vénitienne – Lesley Lokko dirigera en 2023 la Biennale d’architecture
Mi Ecossaise, mi-Ghanéenne, elle apportera une touche africaine à la manifestation qui en arrivera à sa dix-huitième édition dans un an et demi.