


Jamais deux sans trois. Le 24 février, l’Ariana a verni à Genève un trio d’expositions. Je vous ai déjà parlé de celle, du type «vitrines de Noël», d’Alexandre Joly. Elle se trouve au sous-sol. Je reviendrai plus tard sur la nouvelle présentation semi-permanente d’œuvres tirées des réserves. Aujourd’hui, c’est en effet le tour d’Hubert Crevoisier, né en 1963. Installé à Bienne, l’homme travaille le verre depuis une trentaine d’années. Il voit aussi la vie en couleurs, mais pas forcément en rose. «Je suis bleu, je suis jaune, je suis verre… et je vois rouge», dit le sous-titre de sa présentation monographique. Cette dernière occupe comme de juste les deux grandes salles du premier étage, vouées à la création contemporaine.
«Tout projet d’exposition est un cheminement entre l’artiste et l’institution.»
«Tout projet d’exposition est un cheminement, entre l’artiste et l’institution», nous prévient dans une jolie brochure d’accompagnement la commissaire Anne-Claire Schumacher. Le courant peut passer entre les deux. Il peut aussi y avoir des courts-circuits produisant des étincelles. Il s’agit d’une aventure qui se renouvellera… ou ne se renouvellera pas. L’actuelle tentative semble avoir séduit la conservatrice, qui parle d’un «périple enrichissant et toujours empreint de bienveillance.» Cette dernière ne faisant guère partie de mon fonds de commerce, je vais mettre ici d’autant plus de bémols que je ne crois guère à «l’art-thérapie» défendu par Hubert Crevoisier. Un homme qui est, ou a été, infirmier dans une autre vie. Et tant pis si le musée pousse les soignants à donner des «ordonnances muséales» à leurs patients pour qu’ils puissent bénéficier «d’une entrée gratuite avec un.e accompagnant.e (je n’ai ici vu écrit ni «i» ni «x» ni «+»!) et/ou participer à une visite commentée par la commissaire de l’exposition»!
«Square» et «Synapse»
Que voit au fait le visiteur sur les magnifiques tables en fer corrodé du premier étage? Des verreries, bien sûr, parfois même de grande taille. Il y a aussi bien la «Dynamique jaune» de 2020-2021, qui se compose d’épaisses plaques coulées à la cire perdue, qu’une «Montagne bleue» de 2020 empilant les pavés de verre massifs, de couleur bien entendu de saphir. Ces créations récentes peuvent rejoindre les «cocons» plus anciens (ils remontent à 2000-2001) en cristal de Saint-Louis, présentés dans l’autre grande pièce. Il y a aussi des créations isolées. Un «Square» de 2016. Un «Synapse» de 2009, formé de deux couches, la noire en surface révélant par incisions le vert sous-jacent. J’ai du coup appris que la synapse était la région de contact entre deux neurones. Merci Hubert Crevoisier! J’avais oublié que nous étions dans le thérapeutique, et donc parfois dans le neuronal.
Catalogue émotionnel
Certaines œuvres m’ont paru séduisantes. D’autres moins. Le reste tient de l’acte de foi. Nous sommes ici dans le «wellness», pour ne pas dire le «new age». Le cahier d’accompagnement contient des pages blanches «afin de transcrire nos émotions». Inutile de préciser que les miennes sont demeurées vierges. Je ne me suis senti ni bleu, ni jaune, ni vert (ou verre), ni rouge. Il faut dire que j’ai pris un peu d’avance sur ces couleurs intellectuelles. J’ai du coup fait chou blanc.
Pratique
«Hubert Crevoisier», Musée Ariana, 10, avenue de la Paix, Genève, jusqu’au 7 août. Tél. 022 418 54 50, site www.musee-ariana.ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.
Né en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, droit. Juriste raté, il a bifurqué vers le journalisme. Le plus souvent aux rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la "Tribune de Genève", en commençant par parler de cinéma. Sont ensuite venus les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.
Plus d'infosVous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Exposition à Genève – Les verres d’Hubert Crevoisier secouent les neurones
L’Ariana présente les œuvres d’un infirmier converti à l’art verrier. Il y a les réalisations elles-mêmes. Mais aussi un acte de foi qu’on a… ou pas.