Concurrence fiscaleLes partis débattent sur l’impôt minimal de l’OCDE et du G20
Les grandes entreprises devraient payer un minimum de 15% dans leur pays d’origine, sans quoi ils pourraient être prélevés par d’autres états. Les partis suisses bataillent sur la répartition des recettes et sur les aménagements fiscaux à établir pour maintenir l’attractivité du pays.

L’impôt minimal souhaité par l’OCDE et le G20 paraît inévitable, selon les partis bourgeois, qui approuvent le plan du Conseil fédéral en grinçant des dents. À gauche, le projet suscite l’enthousiasme, malgré des réticences quant aux nouveaux privilèges fiscaux qui l’accompagneraient. Reste un sujet de désaccord important: la répartition des recettes de cette nouvelle imposition.
Votation en vue
Les grandes entreprises internationales dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions devront payer un impôt minimal de 15% en Suisse dès 2024, selon un projet du Conseil fédéral. Pour atteindre cet objectif, l’instauration d’un «impôt complémentaire» qui pallierait la différence entre un impôt plus faible et l’impôt minimal. Cette nouvelle imposition serait alors à la charge des cantons.
Pour faire aboutir le projet, une modification de la Constitution est nécessaire. Le peuple et les cantons devraient se prononcer à ce sujet le 18 juin 2023, toute modification du texte suprême donnant lieu à un référendum obligatoire. D’ici-là, le Conseil fédéral devrait se charger de la réforme fiscale par voie d’ordonnance. Les lois sur l’impôt fédéral direct et l’harmonisation fiscale devraient être modifiées dans un deuxième temps, selon la procédure ordinaire.
L’UDC désavoue le projet
Le projet a été mis en consultation jusqu’au 20 avril. Pour l’UDC, il paraît clair que certains Etats veulent s’approprier un substrat fiscal supplémentaire et affaiblir la place économique suisse, sous couvert de «nivellement» et de «justice fiscale».
Le parti admet néanmoins que la Suisse ne peut se permettre de rester à l’écart. Pour rappel, le projet de l’OCDE a été proposé dans le sillage d’une réforme historique votée par le G20. Cette dernière implique que, si les Etats n’appliquent pas l’imposition de 15% d’ici à 2024, d’autres Etats peuvent prélever la différence.
L’UDC dénonce en outre une grave atteinte à la souveraineté fiscale des cantons. Jugeant que trop d’éléments restent en suspens, l’UDC se refuse à porter un jugement définitif sur le projet.
Une erreur, selon le PLR
Le constat est en partie partagé par le PLR, qui considère que la réforme fiscale proposée par l’OCDE et le G20 est une erreur. Sa mise en oeuvre reste toutefois inévitable, comme le suggère aussi l’UDC. Selon le Parti libéral-radical, la Suisse doit conserver les recettes de l’imposition minimale dans le pays, afin de les investir dans des mesures visant à maintenir son attractivité fiscale.
Des compensations devraient également être mises en place. Le PLR imagine ainsi la réduction d’autres impôts et taxes, à l’image des charges sociales.
Désaccord sur la répartition
Le parti du Centre affirme, lui aussi, que la Confédération ne peut empêcher une augmentation des impôts pour certaines entreprises. Néanmoins, des adaptations du système fiscal permettraient de limiter les conséquences économiques et fiscales.
Les produits de l’imposition minimale ne devraient pas être versés aux cantons, estime le parti. Principal argument avancé: de trop grandes différences pourraient apparaître entre les cantons si certains disposent de recettes plus élevées. Le Centre propose dès lors que la Confédération reçoive entre 25 et 50% des recettes.
Les Vert’libéraux partagent cette position. La moitié de l’impôt complémentaire devrait être versée à l’Etat, l’autre aux cantons. Les parts cantonales devraient en outre être réparties en fonction de la densité de la population. Finalement, c’est la Confédération qui devrait être responsable de la taxation, selon le PVL.
Le PS contre la concurrence fiscale
Le Parti socialiste «salue le projet». Sa mise en oeuvre devrait néanmoins impliquer un impôt minimal pour toutes les entreprises, dans le but de mettre fin à «la sous-enchère fiscale insensée» des cantons.
Le parti n’acceptera pas un projet qui encourage la concurrence fiscale entre les cantons et le dumping fiscal. Pour cette raison, les recettes supplémentaires ne doivent pas être redistribuées aux cantons à faible imposition ou aux grands groupes par le biais de subventions ou allégements fiscaux.
Il s’agit de ne pas créer de nouveaux privilèges pour les entreprises et personnes fortunées, ce qui torpillerait le sens et l’objectif de l’accord international, estime le PS.
Les Verts exigent que toutes les recettes de l’impôt complémentaire reviennent à la Confédération sous forme d’un fonds. Ce dernier devrait permettre de relever les grands défis écologiques, économiques et sociaux. De nouvelles compensations, privilèges fiscaux et subventions doivent être évités.
Cantons et communes satisfaits
La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) salue le fait que les petites et moyennes entreprises (PME) ne soient pas soumises à la réforme. La concurrence fiscale intercantonale est ainsi préservée. Pour le reste, la CDF s’aligne au projet du Conseil fédéral.
L’Association des communes suisses met en avant le fait que les entreprises concernées ont besoin de sécurité juridique. L’organisation soutient la participation de la Confédération aux recettes supplémentaires, à hauteur de 25%.
L’Union des villes suisses appuie le projet de réforme fiscale. Elle demande cependant qu’une part des recettes revienne aux villes et aux communes, et que cette répartition soit ancrée dans la Constitution.
Alliance Sud – qui regroupe des grandes organisations suisses d’entraide – critique le faible taux d’imposition. Certains pays pauvres pratiquent des taux beaucoup plus élevés et l’impôt minimal de l’OCDE favorise déjà les pays du Nord, selon l’organisation. Il serait ainsi préférable d’instaurer un impôt basé sur le «Minimum Effective Tax Rate for Multinationals», qui prendrait en compte les pays de résidence, de vente et de production des multinationales.
AWP
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