Les partis de gauche sont fascinants : avec eux, il suffit de ne rien changer, et tout ira bien. Leur capacité à s’affranchir de la réalité peut faire envie ; c’est tellement plus simple d’ignorer certains faits pour mieux coller à sa vision du monde.
Prenez l’AVS par exemple. Pour les syndicats, ses finances ne sont pas en danger, la bulle des baby-boomers n’est que passagère. Grâce à la RFFA, qui a augmenté les cotisations AVS de 0.3%, le résultat de répartition (recettes moins dépenses) est redevenu positif. Peu importe qu’il se rajoute 40 000 retraités chaque année, mais seulement 15 000 nouveaux actifs ! Et peu importe que les retraités vivent toujours plus longtemps…
C’est aussi tellement plus drôle de dire que la réforme va se faire « sur le dos des femmes ». En oubliant que si elles cotisent sur 34% des revenus soumis à l’AVS, elles reçoivent 55% de la somme des rentes, comme le rappelle Avenir Suisse. En oubliant que les revenus de l’activité lucrative des conjoints sont partagés pour calculer leurs rentes AVS. En oubliant que dans ce calcul, les parents ont droit à une bonification pour tâches éducatives de 43 020 francs par an tant qu’ils ont un enfant de moins de 16 ans. En oubliant que les femmes seules touchent en moyenne au maximum 45 francs de moins d’AVS que les hommes seuls, les femmes célibataires touchant même 29 francs de plus que les hommes célibataires (selon les statistiques de 2021).
Et si cela ne suffisait pas, faisons des affiches qui disent que les femmes vont perdre 26 000 francs de rente, sans parler du revenu qu’elles recevront à la place l’année de leurs 64 ans. Et sans parler des compensations votées par le Parlement qui peuvent dépasser 40 000 francs pour les femmes qui prendront leur retraite les neuf prochaines années. Ou alors faisons des affiches qui parlent de la retraite à 67 ans, même si ce n’est pas du tout l’objet de la votation !
Tout ceci n’empêche pas qu’il faille reconnaître que les femmes assument une fonction essentielle pour l’AVS : elles mettent au monde les enfants, et pour cela elles méritent toute notre reconnaissance. Et il est injuste que les rentes LPP soient pénalisées en cas de temps partiel, ce qui affecte davantage les femmes. Mais ce point n’a rien à voir avec l’actuelle réforme de l’AVS, alors il ne faut pas tout confondre.
Le 25 septembre, nous voterons aussi sur une réforme de l’impôt anticipé, pour exonérer les intérêts des nouvelles obligations suisses émises à partir de 2023. Pour la gauche, cette réforme va « assécher les finances publiques » - même si les pertes fiscales seront progressives dans le temps, alors que les rentrées fiscales liées aux nouvelles opérations et aux nouveaux emplois seront immédiates. « On va perdre un milliard le premier jour » - même si l’on n’avait jamais prévu de le gagner, puisqu’il doit être remboursé. « C’est un cadeau indécent aux grosses entreprises » - même si l’impôt anticipé grève les revenus des investisseurs, pas des entreprises. « C’est une incitation massive à la fraude fiscale » - même si les mauvais contribuables n’ont sûrement pas attendu cette réforme pour investir dans des produits sans impôt anticipé.
En fait, la gauche voit le mal partout. Mais elle ne veut pas voir que les sociétés suisses émettent actuellement leurs obligations ailleurs qu’en Suisse, car l’impôt anticipé fait fuir les investisseurs étrangers. Ni voir que les collectivités publiques suisses pourraient émettre leurs obligations à moindres coûts si les investisseurs étrangers s’y intéressaient aussi. Ni voir que les précédentes réformes de la fiscalité n’ont pas favorisé « le grand capital », mais bien les finances publiques et les citoyens, comme je l’écrivais ailleurs.
Les partis de droite aussi veulent que les rentes AVS restent assurées, et pas seulement jusqu’en 2030. Ils préfèrent aussi que les recettes fiscales ne baissent pas, mais au contraire augmentent en rendant intéressant ce qui ne l’est pas actuellement. La gauche qui prétend défendre le pouvoir d’achat ferait bien de se demander si son opposition systématique à toute réforme sert vraiment les intérêts de ses électeurs. Et ceux-ci feraient bien de voter à droite, pour que leurs partis puissent continuer à chantonner « Tout va très bien, Madame la marquise… », même si ce n’est pas grâce à eux.

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Votation 25 septembre – Les gens de gauche devraient voter à droite
Les opinions politiques varient souvent bien plus sur la méthode que sur les objectifs. Cela est particulièrement vrai pour les votations du 25 septembre prochain : tout le monde veut maintenir les rentes AVS, ou le niveau des recettes fiscales. C’est dans la façon d’y parvenir que les avis divergent.