
Vous le savez sans doute. Elizabeth II a fêté début juin ses 70 ans de règne. Un anniversaire en trompe-l’œil. L’événement réel se situait en février 2022. L’hiver semble peu favorable à des célébrations. Ces dernières ont donc été reportées de quelques mois, comme le sont déjà les anniversaires de la reine. Bien des gens feraient bien de s’en inspirer à leur échelle. Les goûters d’enfant préfèrent le soleil à ce que je n’ose plus appeler la neige. Quant aux aînés-aînés, il me semble bon de les tirer de leur EMS-EHPAD pour un dîner sur une terrasse, même si j’ai appris à ma grande surprise pendant les confinements que ces derniers constituaient des «lieux de vie». Ma grand-mère, qui n’a Dieu merci fini dans aucun d’eux, parlait plutôt de «mouroirs»…
Souvent vue de dos
Mais revenons au sujet. La Maison du dessin de presse, qui se trouve à Morges, a décidé de montrer les «cartoons» (un anglicisme s’impose ici) inspirés dans de multiples pays par Elizabeth II. Il y a là, en reproductions, 140 dessins dus à une cinquantaine d’artistes dont dix Suisses. C’est du reste un caricaturiste «de chez nous» établi en Grande-Bretagne, Peter Schrank, qui a aidé aux recherches et au choix final. Celui-ci concerne les années 1962 à 2022. Il n’y a semble-t-il rien eu de croustillant avant. Les journaux restaient momifiés par le respect. La première décennie présentée se caractérise du reste encore par la déférence. La souveraine se voyait souvent présentée de dos, ou alors de profil lisant le journal. C’est le prince Philip, son «consort», qui faisait les frais de la plaisanterie.

Cette attitude a-t-elle au fait vraiment changé? Il est permis de se le demander sur les cimaises, en forme de chambres, qui déploient à Morges «Au sujet de Sa Majesté». En Angleterre du moins, la charge se fait peu pesante contre Elizabeth II et ses corgis favoris. Sa famille se retrouve traitée avec moins d’indulgence. Il faut dire qu’il y a souvent de quoi. Pensez à Andrew! Charles est montré couvert de toiles d’araignées en attendant une improbable montée sur le trône. William enferme après le mariage Kate dans une cage dorée. Les premiers ministres défilent comme des marionnettes. A l’étranger, on se montre plus rosse, mais là aussi dans certaines limites. Même «Vigousse» se retient en Suisse. Notez qu’il fallait pourtant oser, comme Bénédicte dudit journal, montrer l’enterrement du «consort» avec les mots «enfin une couronne pour le prince Philip!»
Humour britannique
Une question impertinente se pose tout de même. Elizabeth II forme-t-elle un bon sujet pour les caricaturistes de tout poil et de toute couleur politique? Je crains finalement que non. Cela peut sembler paradoxal. Mais l’intéressée se prend finalement moins au sérieux qu’un Emmanuel Macron toujours empesé et rarement souriant. Un effarant monarque républicain! Elle a pour elle la légitimité bien sûr. Presque mille ans d’arbre généalogique dont les branches s’entrecroisent parfois dangereusement. Mais il y a surtout en elle l’humour britannique. La femme rit volontiers. Elle ne tombe jamais dans le ridicule à force de prétentions au sérieux. Il suffit de détailler sa garde-robe. Qui, à part elle, oserait porter cela? Dans les nombreux livres publiés à l’occasion du jubilé («Platinum Queen» avec titré à juste titre «Harper’s Bazaar»), j’ai noté un livre avec les anecdotes comiques liées à la reine et les bons mots qu’on lui prête. De l’autre côté de la Manche, l’hommage se teinte toujours d’irrévérence.

Il devient du coup difficile d’amuser aux dépens d’une telle personne. D’où une exposition bien documentée, généreusement fournie, conçue de façon internationale, mais au final un peu terne. Je retiens pourtant un dessin récent montrant la famille royale au grand complet devant un poste de TV. L’un dit: «On reste curieux de voir ce qu’ils vont nous faire faire dans le prochain épisode de The Crown». Réponse à ce propos cet automne. La saison cinq est agendée, après bien des problèmes de tournage dus à la pandémie, pour novembre prochain au Royaume (plus ou moins) Uni. Elizabeth II se verra cette fois incarnée par Imelda Stauton. Comme les premiers ministres de Sa Majesté, les actrices titulaires ne font ici que passer…
Pratique
«Au sujet de Sa Majesté», Maison du dessin de presse, 39, rue Louis-de-Savoie, Morges, jusqu’au 19 septembre. Tél. 021 801 58 15, site www.mddp.ch Ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 18h, les samedis et dimanches de 10h à 18h.
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Exposition à Morges – Les caricaturistes parlent de Sa Majesté
Elizabeth II a fait l’objet de bien des dessins de presse. Le musée consacré au sujet en montre cent quarante. Les artistes ont ménagé la reine.