
Cette semaine rencontre avec Laurence Halifi, administratrice de MY iHOME SA, société de constructions durables & intelligentes, cofondatrice du programme Graines d’Entrepreneurs et membre du comité du Cercle Suisse des Administratrices depuis sa création.
Comment êtes-vous devenue administratrice?
Dès la fin de mon master en sciences de gestion, j’ai occupé des fonctions de dirigeante et siégé aux comités exécutifs des différentes entreprises et startups dont j’ai participé à la création et au développement. J’ai donc toujours pris part tant à l’élaboration de la stratégie qu’à son implémentation sur le terrain, ce qui constitue aujourd’hui ma force au sein d’un conseil d’administration ou de fondation.
J’ai eu la chance de m’intéresser à la société de constructions durables MY iHOME depuis sa création, il y a près de 10 ans. Elle fût pionnière comme entreprise de construction totale, privilégiant la conception en ossature bois, plus durable que le béton, et alliant les technologies «smart building» les plus avancées, pour optimiser la performance énergétique des habitations.
Le changement climatique a donné raison à son expertise… aujourd’hui, pour le même prix qu’une construction classique, nous réduisons l’impact environnemental des nouveaux habitats et les charges énergétiques des habitants.
Ces deux dernières années, je jouais le rôle de conseil externe, avant d’intégrer formellement leur conseil d’administration.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans cette fonction?
Le plus intéressant est évidemment la possibilité de participer à la réflexion stratégique et la prise de décisions, pour contribuer à la croissance de la société et à son succès à long terme. Cet enthousiasme et engagement sont décuplés lorsque la mission de l’entreprise a un fort impact sociétal et durable.
Le rôle de l’administrateur est d’avoir une vision pour l’entreprise à cinq ou dix ans, comme un projet de vie. Comment construirons-nous dans 10 ans? Nous sommes déjà positionnés sur la rénovation énergétique des bâtiments existants, la surélévation des immeubles pour densifier les villes, le réemploi des matériaux de construction…
En tant que membre du conseil, je contribue aussi à formaliser la politique de durabilité de l’entreprise vers une certification B Corp, à tisser des partenariats avec des acteurs partageant nos valeurs, et des startups innovantes de l’EPFL anticipant le futur de la construction.
Je ne vois pas le critère de durabilité comme une contrainte mais plutôt comme un ADN, un atout clef et une source de performance. De plus en plus d’investisseurs, promoteurs, clients et partenaires cherchent à investir et collaborer avec des entreprises qui prennent en compte sérieusement les enjeux de durabilité en évitant le green washing.
Quelles sont les compétences clés et la valeur ajoutée que vous apportez au CA?
Dans le cas de MY iHOME, les cofondateurs sont architectes et constructeurs… Ce n’est donc pas pour leur cœur de métier qu’ils m’ont choisie, mais pour des «soft skills» et compétences complémentaires.
Mes compétences clés pour un conseil d’administration ou de fondation sont tout d’abord issues de mon expérience d’entrepreneure, résiliente et pragmatique, centrée sur la recherche de solutions.
De là découlent une vision globale, une expertise dans le business development avec une capacité à imaginer de nouveaux business models, à rechercher de nouvelles opportunités, à s’adapter aux tendances, et ce à travers une variété de secteurs d’activité.
Ma valeur ajoutée se trouve, comme chez tous les administrateurs, dans mes spécificités:
du leadership, de par mes fonctions à la tête d’organisations, développant des bonnes pratiques de gouvernance avec un très large réseau de contacts de dirigeants,
une capacité à identifier les innovations, les tendances, et les besoins futurs de la société, qui se reflète dans la création de Graines d’Entrepreneurs, un programme qui transmet le goût d’innover et l’esprit d’entreprendre aux jeunes générations. Il me permet également de percevoir au quotidien les attentes de la génération Z, pour une meilleure gestion des talents et de l’intrapreneuriat au sein des employés,
et enfin par une bonne compréhension de la transformation digitale et des enjeux liés à la cybersécurité, la protection des données et l’intelligence artificielle, fondamentale pour prendre des décisions éclairées pour l’avenir.
Quelles sont les difficultés de cette fonction, les défis que vous avez rencontrés?
Il y a bien sûr les défis liés à l’actualité et ses crises… mais il y a aussi un défi qui n’est pas toujours bien anticipé par les PME: la croissance. Alors que, paradoxalement, elle peut conduire la société à sa perte.
Il s’agit alors de s’organiser pour mettre en place les moyens humains et matériels pour faire face aux défis de croissance en se fixant un planning de développement.
Quelle est votre meilleure bonne pratique en termes d’obtention de mandat dans les CA?
Il ne faut pas «chercher» un mandat, mais plutôt proposer sa valeur ajoutée à un CA pour lequel on a le sentiment de pouvoir apporter sa vision stratégique pour avoir un impact, et faire grandir l’entreprise.
Comment? En rencontrant d’autres dirigeants, en s’intéressant à leurs problématiques et à leurs entreprises, et en montrant ce qu’on est capable de leur apporter en intégrant leur CA ou leur advisory board (comité stratégique).
Je trouve d’ailleurs que le modèle d’advisory board est plus souple et adapté pour discuter de stratégie au sein de nos PME.
Quelles sont les grandes préoccupations actuelles des organes stratégiques des entreprises?
La cybersécurité, les instabilités politiques et militaires, l’énergie, la Responsabilité Sociétale des Entreprises, mais aussi la valorisation du capital humain sur un marché du travail tendu.
Aujourd’hui, alors que la technologie est largement plébiscitée, et peut même inquiéter avec l’intelligence artificielle, il est important de se préoccuper du capital humain, et de le valoriser, pour le préserver.
Que manque-t-il pour que les CA d’entreprises suisses comptent davantage de femmes?
Depuis 10 ans, le Cercle Suisse des Administratrices a joué son rôle de facilitateur dans les mises en relation, pour l’accession des femmes aux CA. Désormais, je suis convaincue que ce sont les politiques de durabilité et l’évaluation des critères ESG- Environnementaux, Sociétaux et Gouvernance, qui joueront le rôle d’accélérateur de la diversité aux postes de gouvernance.
Dans l’entreprise de constructions durables MY iHOME, plus de 50% des postes de gouvernance et de collaborateurs de la société sont occupés par des femmes, une avancée dans le secteur de la construction, et une force de différenciation.
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Rencontre avec Laurence Halifi – «L’engagement est décuplé lorsque la mission de l’entreprise a un fort impact sociétal et environnemental»
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