Le World Economic Forum, rendez-vous des puissances économiques et politiques, a grandi et gagné en influence avec la mondialisation. Il risque bien de disparaître avec elle.
Après deux ans d’interruption due à une pandémie mondiale, le WEF fait son retour à Davos dans un monde aux dynamiques contraires exacerbées.
Oui, mais voilà: les officiels chinois ne sont pas de la partie, assignés à résidence. Les Russes en ont été exclus. Et le président américain est en tournée en Asie, comme pour souligner que les enjeux mondiaux sont à mille lieues de la station grisonne. Comment dès lors penser les problématiques globales quand on souffre d’hémiplégie?
Cette pause forcée de deux ans a révélé les problèmes existentiels du Forum. Celui-ci a gagné en influence à mesure que les frontières s’amenuisaient. Or depuis quelques années, c’est l’inverse qui s’opère. La crise financière de 2008 est passée par là, les démocraties se sont fragilisées – Donald Trump et le Brexit en symptômes – quand la Chine monte en puissance et s’inscrit dans une coexistence conflictuelle avec l’Occident.
Réchauffement climatique, Covid et maintenant guerre en Europe, la barque est pleine. Et cette multiplication de crises réduit paradoxalement la pertinence du WEF, agent fédérateur habitué à la navigation par beau temps sur un seul fleuve ascendant.
Les bienfaits de la globalisation ont longtemps servi de tapis pour y cacher la poussière. Mais ses échecs sont désormais trop flagrants: mauvaise redistribution des richesses, montée du nationalisme, vulnérabilité de nos systèmes de santé, inégalités fiscales et j’en passe. Autant de maux décryptés dans «The Davos Man» de Peter Goodman. L’auteur, journaliste économique du New York Times et fin analyste du Forum, y impute les maux de la société moderne aux puissants dont le WEF est devenu la caricature.
Symptomatique, l’appel au «Great Reset» de Klaus Schwab pour repartir sur des bases économiques saines s’est transformé en bruit, déformé par des complotistes sans boussole. La vision globalisante du génial instigateur du WEF ne prend plus dans un environnement qui s’est encore complexifié. À l’heure où il passe la main, un devoir d’inventaire semble inévitable pour permettre au Forum de se réinventer.
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L’éditorial – Le WEF, wtf?