Les promesses de l’aubeLe rêve du «miracle ukrainien» à Lugano
En marge de la Ukraine Recovery Conference 2022 dans la capitale financière tessinoise les 4 et 5 juillet, les autorités ukrainiennes ont présenté des pistes d’investissements au secteur privé suisse.

Dans une Lugano semi-déserte et sous haute sécurité, la Ukrainian Recovery Conference 2022 (URC2022) s’est achevée le 5 juillet avec un Forum économique.
Organisé par le SECO en collaboration avec l’État ukrainien et avec la participation d’acteurs suisses (Swissmem, EconomieSuisse, Swissrail…), il s’agissait de la première occasion pour le secteur privé d’interagir avec les autorités ukrainiennes pour connaître leurs priorités en matière de reconstruction, identifier des opportunités d’investissements et d’éventuels partenaires.
750 milliards
Lors de la conférence de presse clôturant le sommet, au Palais des Congrès de Lugano, le premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal, a réitéré devant près de 300 journalistes que 750 milliards de dollars sont nécessaires pour la reconstruction du pays.
«Une somme qui peut sembler importante, mais qui divisée entre plusieurs projets et pays n’est pas si difficile à réunir», a-t-il relativisé, faisant valoir que les 300 à 500 milliards de fonds russes gelés en Occident seront «une ressource clé» pour faire repartir l’Ukraine, au même titre que les investissements privés étrangers.
«Lutter contre la corruption»
Ignazio Cassis a quant à lui insisté sur «l’importance de lutter contre la corruption» dans le cadre du processus de relance.
Quatre secteurs représentant des opportunités d’investissements en Ukraine ont été abordés.
D’abord, l’agroalimentaire. L’Ukraine était une puissance d’exportation agricole avant que la guerre n’éclate, a indiqué Rostyslav Shurma, chef adjoint du Bureau du président Volodymyr Zelensky. «Avec des investissements supplémentaires, le pays pourrait doubler ses exportations alimentaires, produire de la valeur ajoutée et renforcer la sécurité alimentaire mondiale.» On apprenait d’ailleurs, le matin même, que Syngenta s’est engagé à fournir des produits phytosanitaires, des semences et des services aux agriculteurs ukrainiens pour une valeur de 400 millions de dollars (385,4 millions de francs).
Un autre secteur d’intérêt est celui des infrastructures liées aux transports non maritimes; route, rail et fleuve. L’Ukraine possède un des plus importants réseaux de transports d’Europe, avec notamment 24 000 kilomètres de rail, de nombreux ports de mer et de fleuve, a rappelé le ministre des Infrastructures, Oleksandr Kubrakov. «Ses aéroports et ses ports de mer – au même titre que ses raffineries – ont été attaqués dès les premiers jours de la guerre. Ses ponts, ses routes et ses rails ont subi le même sort.» Le blocus actuel des ports de la mer Noire montre l’importance de développer d’autres voies de transport de marchandises, a-t-il observé, notamment via le Danube, le rail et la route.
L’exploitation des sources d’énergie traditionnelles – le secteur ukrainien englobe le gaz, l’hydroélectricité, le charbon et le nucléaire – et vertes est un autre domaine potentiellement prometteur. Bertrand Piccard a fait valoir qu’il n’y a pas que l’éolien et le solaire, mais que la biomasse, l’hydrogène et la géothermie superficielle sont aussi des énergies renouvelables valables et disponibles. «Des solutions écologiques, déjà profitables, existent; elles doivent être connues», a-t-il ajouté. Sa fondation, Solar Impulse, en a identifié 1400. «Je suis sûr que 4-500 d’entre elles peuvent être implantées en Ukraine, aujourd’hui.».
Enfin, l’Ukraine mise sur la digitalisation et son industrie informatique, «florissante avant la guerre, avec un taux de croissance de 20 à 25%». Avec la numérisation d’un maximum de services, supprimant le contact entre personnes, l’État entend notamment éliminer la corruption à tous les niveaux.
Capital humain
L’Ukraine a tout le potentiel pour devenir un hub manufacturier; pour la métallurgie, le génie mécanique…, a soutenu Rostyslav Shurma, considérant qu'«avec le Covid, on a vu que dépendre de la Chine pose problème». «Notre pays est non seulement riche en ressources naturelles et bien localisé, mais il dispose d’un capital humain exceptionnel, avec un grand nombre d’ingénieurs hautement qualifiés et motivés.»
L’accès au capital est un défi majeur en Ukraine avec l’État qui estime perdre l’équivalent de 5 milliards de dollars par mois depuis le 24 février. «Les Suisses peuvent fournir du crédit et financer des projets, obtenant des actions en retour», a suggéré David Arakhamia, membre du Conseil national d’investissement, soulignant que l’Ukraine est «un pays d’entrepreneurs» et que le gouvernement planche sur un programme d’assurance risques liés à la guerre afin de garantir les investissements étrangers.
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