
C’est une histoire de fous. Normal, puisque nous sommes dans un pays cartésien. Le Sénat français vient d’y mettre le holà, du moins provisoirement. Catherine Pégard ne sera pas reconduite pour la quatrième fois à la tête du domaine de Versailles. Elle se verra au contraire poussée vers la sortie. Il faut dire qu’une nouvelle nomination pour elle avait besoin d’une loi, ou alors d’un amendement spécial. Or celui-ci vient de se voir balayé d’un revers de manche. Je vous raconte. Ce n’est pas glorieux.
Une ancienne du «Point»
Née en 1954, Catherine Pégard a commencé par être journaliste. Elle a grimpé les échelons, se retrouvant ainsi rédactrice en chef de l’hebdomadaire «Le Point». En 2007, la femme s’est vue appelée par l’Elysée à la demande de Nicolas Sarkozy. Ce dernier la chargea dès 2008 du «pôle politique» (les Français adorent les points, les pôles et les centres). Jusque-là, rien à redire, ni même à médire. Où les choses deviennent plus étranges, c’est qu’en 2011, la grande Catherine s’est retrouvée propulsée sans aucunes qualifications à la tête de Versailles, où elle devait remplacer Jean-Jacques Aillagon. C’est un peu comme si j’allais à l’Opéra de Paris pour danser «Le lac des cygnes». La dame est pourtant arrivée en dépit de plusieurs scandales à bénéficier d’un deuxième mandat, puis d’un troisième sous les présidences ultérieures de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Elle est pour le moment «intérimaire» vu son âge, mais l’Elysée voudrait bien d’elle comme cheffe durable. Au moins jusqu’en 2024.

Et pourquoi cela? Le prétexte officiel est que des compétions olympiques chevalines se dérouleront alors dans le domaine de Versailles. On sait que les JO tiennent aujourd’hui de mirage, pour ne pas dire de miroir aux alouettes de l’autre côté du Jura. Il a donc été imaginé un amendement qui permettrait à une personne occupant une haute fonction (ce que Catherine, en temps qu’intérimaire, n’est plus) de rester à son poste jusqu’à la fin des festivités. Une question d’organisation certes, mais tout le monde a vite parlé de «loi Pégard». L’affaire a donc fini chez les sénateurs qui ont étrillé la proposition d’un des leurs, François Patriat. Comme ce point de détail se serait retrouvé dans un paquet légal (celui des JO), où il avait finalement peu à faire, on parlait selon le terme en usage de «cavalier législatif». L’élu communiste Pierre Ouzoulias s’est du coup permis de dire bien fort: «Ce n’est pas un projet de loi mais un concours équestre». D’autres ont évoqué dans la foulée le «fait du prince», qui se serait fait en l’occurrence aux frais de la princesse. Un président qui se voulait «exemplaire» peut-il se permettre cela?
«Ce n’est pas un projet de loi mais un concours équestre.»
Bref, c’est non. François Patriat a retiré l’amendement que lui avait soufflé à l’oreille (du cheval) Matignon. L’Elysée devra du coup trouver un nouveau maître, genre Louis XIV, ou une nouvelle maîtresse, style Pompadour, pour Versailles. Un point s’est cependant peu vu évoqué à la tribune. Quand Catherine Pégard a été nommée en 2011, c’était pour remplacer Jean-Jacques Aillagon, parvenu à l’âge de la retraite. On avait vertueusement refusé une prolongation à ce dernier, qui est admirablement retombé sur ses pieds depuis en partant diriger la Collection Pinault. Avouez tout même que c’est un peu fort de café!
N.B. Depuis que j’ai rédigé cet article j’ai lu dans «La Tribune» de l’art» sous la plume électronique de Didier Rykner que le président Macron pourrait encore tenter de forcer la prolongation grâce à l’Assemblée nationale. Avec la possibilité d’un nouveau refus. La dame vaut-elle la peine de risquer un tel camouflet? On se croirait revenu sous la IIIe République…
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Nominations – Emmanuel Macron s’englue dans la «Loi Pégard»
La directrice du domaine de Versailles a atteint la retraite. Le chef de l’Etat la veut à tout prix pour les JO. Le Sénat vient de le ridiculiser.