
«Votez NON au PLQ Acacias1». Le scrutin du référendum est fixé au 18 juin. Encore des bulletins à remplir cette année à Genève! Nous ne chômons pas. Notez que cette votation ne concernera cette fois que les habitants de la Ville. Des habitants qui ont retoqué aussi bien le MAH+ en 2014 que la Cité de la Musique en 2021. Ils se situaient ici comme ailleurs dans une mouvance. Que dis-je, une nébuleuse! La plupart des projets cantonaux impliquant la disparition d’espaces verts ont passé ces dernières années à la trappe, à quelques voix près parfois. Ceci grâce à des collusions d’opposants. On est loin du «village d’irréductibles Gaulois» que présentent volontiers, non un certain mépris, nos autorités dites compétentes.
L’union fait la force
Une conférence de presse était donc annoncée ces derniers jours pour (ou plutôt contre) le PLQ Acacias1. Plan localisé de quartier pour ceux qui se méfient des initiales. Pourquoi ne pas s’y rendre, d’autant plus que c’est rue des Bains, à côté de chez moi? La tablée s’est révélée comme souvent immense, mais inégalement répartie. Tout autour se trouvaient les représentants d’une quantité de collectifs. Ce genre d’action regroupe toujours beaucoup de pétitionnaires. Il y avait au Nyamuk aussi bien ceux d’Action Patrimoine vivant que ceux du Parti du travail ou l’Association des Habitants des Acacias. «L’union fait la force», comme on nous le rappelle depuis que nous sommes petits. Face à eux, trois journalistes seulement. La presse n’est plus ce qu’elle était, même si elle demeure pourtant plus nombreuse qu’elle ne le sera. Ce trio semblait manifestement favorable au projet. Il faut dire qu’un savant lavage de cerveau veut que le logement devienne aujourd’hui la priorité absolue.

Mais le faut-il à tout prix? Les locuteurs ont l’un après l’autre mis le projet à mal. Un projet pouvant sembler titanesque, même s’il ne s’agit que d’un élément («mais capital») de la révolution devant créer une nouvelle ville aux Acacias. Qu’est-ce qui ne va donc pas pour eux? Tout, en fait! Trop de bureaux, alors qu’il y en a déjà des centaines de milliers de mètres carrés restant désespérément à louer dans notre ville. La densification excessive, même si le projet a été revu à la baisse en 2022 afin de passer la rampe. Des immeubles géants, et je voyais en effet sur la documentation remise une tour de 93 mètres et une autre de 67. Peu d’arbres en dépit des affirmations officielles. Et encore ces chétifs végétaux devront-ils souvent pousser sur le béton engendré par les parkings! Aucun parc, en tout cas. Peu d’équipements scolaires et sociaux. Il y aura des démolitions préalables. Du gâchis. Quant aux immeubles construits, ils verront leurs beaux étages (comprenez par là les plus élevés) réservés à la vente. «Un urbanisme des inégalités». «L’Etat propriétaire de la grande majorité des terrains, se conduit comme un promoteur privé.»
«L’Etat propriétaire de la grande majorité des terrains, se conduit comme un promoteur privé.»
Les photos de synthèses se sont ensuite vues décortiquées. Elles ne se révélaient pas vraiment mensongères. Mais toutes embellissent les choses, qui mettront quatre décennies à pleinement se réaliser. Le mince ruisseau que constitue une Drize revenue à la surface se voit présenté comme une belle rivière. Les arbres ont poussé comme par magie. Un gros effort est fait pour éviter de montrer l’étroitesse des cours augurant d’un ensemble urbain mal ventilé, «alors même qu’on nous parle de réchauffement terrestre.» Un patrimoine industriel mis à mal («seule l’ancienne usine Sicli est protégée»), mais laissant intacts les dépôts de Perrot-Duval et le sacro-saint Rolex. En entendant les orateurs et en regardant les images, j’ai un peu eu l’impression de voir les photos des chambres d’hôtel où des cagibis sont transformés en vastes salons par la magie du grand-angle.

L’idée restait bien sûr de se concentrer sur ce morceau de ville à venir. Il s’agit là d’une actualité immédiate. Les associations voulaient contrer le discours des élus présentant cette champignonnière comme une inexorable nécessité. J’ai bien sûr entendu au passage le nom du conseiller d’État Antonio Hodgers qui, de Vert au départ, est devenu selon moi gris béton. Sa seule évocation m’a rendu méfiant. Il est aussi devenu question de Robert Cramer, Monsieur Acacias, dont je croyais me souvenir qu’il a dirigé dans une autre vie Patrimoine suisse Genève. Comme quoi il faut savoir composer dans l’existence. Selon eux, le destin de notre cité est de devenir de plus en plus peuplée. La mini mégapole qu’on nous a annoncée sans suites dans les années 1980, doit aujourd’hui devenir réalité. Nous allons vers un Grand Genève installant peu à peu sa banlieue (une banlieue parfois sordide d’ailleurs) jusque sur les communes de France voisine. En bref, nous aspirons ces dernières à la manière de méchants vampires. Mieux, nous les annexons.
Attractivité fatale?
Dans les discussions informelles suivant la conférence de presse, alors que les trois malheureux journalistes avaient déjà détalé comme des rats, le propos est devenu plus général. Il a tourné autour de la Genève que l’on souhaite. Des moyens à mettre en œuvre pour ce faire. Il y a une crise du logement bien sûr, disaient les intervenants. Mais construire pour accroître l’attractivité de la cité ne ferait en réalité qu’amplifier le problème. Il le rendrait même exponentiel. Tout le monde ne voit pas comme un miracle la Suisse à neuf millions d’habitants qui fait se pâmer d’aise un journal comme «Le Temps», lu par les heureux de ce monde. Il y aura les bouchons, les nuisances, la promiscuité, les hausses de prix et le reste. Et puis, même si les mots font peur en raison de leur coloration politique, le risque d’une perte d’identité. Genève est une ville où l’on vient gagner sa vie, mais dont on espère bien (au début, en tout cas) repartir un jour…

Sur ce, tout le monde s’est quitté dubitatif. Quelles sont au fait les chances réelles d’un «non», alors que la «raison» a dicté l’acceptation du «Plan Bourgogne» dans une zone jusqu’ici occupée par des villas? Peut-être la mesure d’un échec patent comme l’ex-site d’Artamis. La catastrophe annoncée des Vernets. Ou les immeubles poussant comme les mauvaises herbes (qu’ils ont d’ailleurs remplacées) du côté des Trois-Chêne. Sans compter les habituels retards genevois! Quarante ans de travaux pour obtenir les 223 200 mètres carrés de logements du PLQ Acacias1, plus les 67 700 mètres carrés supplémentaires d’«activités» nouvelles, cela ne constitue peut-être pas un délai assez long. Une bonne partie des votants (qui sont rarement des jeunes) risque d’ailleurs bien de se retrouver au cimetière d’ici-là.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Urbanisme genevois – Le PLQ Acacias ne fait pas que des heureux
J’ai été à la discussion des opposants. Les habitants de la Ville votent le 18 juin. Le logement à tout prix n’a-t-il pas justement un prix?