
J’ai lu cela, il y a quelques jours dans le numéro de février publié par «Beaux-Arts». Une dizaine de lignes à peine. «Le Met reçoit un don majeur de 220 œuvres de Philip Guston». Le présent émane de Musa Mayer, la fille de l’artiste mort à 67 ans en 1980. Assorti d’un chèque de dix millions de dollars (Guston est devenu post mortem un artiste très cher), le fonds se compose de 96 toiles et de 134 dessins exécutés depuis 1930. Le Metropolitan Museum de New York devient ainsi le lieu de référence pour un artiste très controversé. D’abord pour son retour à la figuration en 1970. Puis par ses références au Ku Klux Klan. Rien là que de très normal. Tout fait aujourd’hui socialement polémique, même la manière de pisser. Irez-vous aux WC hommes, femmes ou «iels»? Grave problème en cas de besoin pressant…
Echec noir à Paris
Mais revenons à la donation, dont une partie devrait se voir exposée dès le 27 mai. Il est clair qu’un fonds de 220 œuvres, c’est beaucoup. La plupart d’entre elles passeront en conséquence le plus clair de leur vie dans de sombres réserves. Il eut dans doute été plus productif de les «dispatcher», comme on dit aujourd’hui en bon français. Guston reste en effet loin de se voir représenté partout. En Suisse, il ne me semble ainsi pas l’être à Bâle ou à Zurich, alors qu’il trône au Kunst Museum de Winterthour. En France, Beaubourg reste sur l’échec public noir de la rétrospective qu’il a proposée du peintre en 2000. Excellente, pourtant. Quarante-cinq tableaux pour (presque) rien.

La polémique, maintenant. Vous vous souvenez peut-être que quatre institutions internationales s’étaient unies pour présenter dès 2020 une exposition itinérante Philip Guston. Elle devait passer par la National Gallery de Washington, la Tate Modern de Londres et les musées de Boston et de Houston. Mais le contenu de l’œuvre posait des problèmes dits «de compréhension». Bien sûr, en montrant le KKK comme dans une BD, Guston voulait en dénoncer le racisme et la violence. Mais la chose ne risquait-elle pas de se voir interprétée comme au contraire raciste? Et, si par chance tel n’était pas le cas, les visiteurs des minorités ethniques ne pourraient-ils pas subir des «micro-agressions»? Il ne faut plus tirer aujourd’hui les gens hors de leur cocon. Les quatre musées réunis, la bouche en cœur, ont donc décidé de renvoyer la tournée à 2024.
La tournée a commencé!
Que s’est-il passé depuis? De bonnes choses, pour une fois. Dès octobre 2021, la galerie suisse Hauser & Wirth, qui représente l’«estate» (la succession, si vous préférez) de l’artiste américain d’origine canadienne a montré Guston dans son siège de New York. Il y a eu quelques frémissements d’épaules et de mentons, mais la chose a passé la rampe. En 2022, la tournée muséale a donc commencé avec, si j’ose dire, deux ans d’avance, en partant de Boston. Il n’y a pas eu d’émeute, mais au contraire un écho médiatique national. Pour la presse new-yorkaise, l’événement avait passé du culturel au social. Et voilà!
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Art moderne – Le peintre Philip Guston revient en grâce aux USA
En 2020, quatre musées avaient décommandé une rétrospective par peur de «racisme». Sa fille vient de créer une fondation au Met de New York.