
Le culot ne se trouve en principe pas où on l’attend. Il ne se situe en tout cas pas parmi ces expositions d’art contemporain voulant choquer un bourgeois qui ne l’est plus depuis longtemps. L’audace me semble plutôt résider aujourd’hui dans le choix d’une rétrospective allant frontalement à rebours du goût ambiant. Il faut oser le démodé, qui semble vite ringard. Le Musée d’art de Pully le fait en ce moment. Une présentation autour d’Auguste Veillon (1834-1890) dénote un solide courage, même si la flamme brûlant autour de cet artiste vaudois se voit maintenue bien haute par les vestales de son Association. J’ai nommé Marie-Hélène Miauton et Jacqueline Veillon.
Décote vertigineuse
Il y avait longtemps que les paysages d’Auguste Veillon n’avaient plus connu de cimaises officielles. L’homme fait partie de ceux que l’histoire de l’art, puis son commerce ont peu à peu rejetés au nom des «modernités». De telles vues lémaniques, vénitiennes ou égyptiennes trouvaient encore leurs amateurs vers l’an 2000. Ces gens étaient déjà âgés. Nul ne les a remplacés. D’où une décote vertigineuse. Les salles de ventes se fermeront bientôt à ces tableaux trop sages, où une nature idyllique et encore intacte se voit baignée dans la lumière flatteuse du matin ou d’un coucher de soleil rougeoyant. Trop peu de clients! Il y a pourtant parfois des perles dans cette peinture un peu convenue qui adaptait au goût suisse Jean-Baptiste Camille Corot, via son disciple Barthélémy Menn. Soyons cependant justes, c’est-à-dire un peu critique. Dans le genre, le Vaudois Veillon a eu la main moins heureuse que le Genevois Etienne Duval. Un collègue et compatriote qu’il rencontra sur les bords du Nil.

Auguste Veillon, qui remplit aujourd’hui un étage du Musée d’art de Pully avec des toiles accrochées trop bas, est né à Bex en 1834. Six ans après François Bocion, autre chantre du Léman qu’attireront plus tard les canaux de la Sérénissime. L’homme a commencé des études de science et de théologie avant de se livrer à un art qui avait gagné ses lettres de noblesse en Suisse. Le débutant deviendra ainsi l’élève de François Diday à Genève, puis d’Eugène Fromentin à Paris. Marié, bientôt père de cinq enfants, Veillon s’installe définitivement dans la Cité de Calvin en 1863. Ce définitif restera pourtant sporadique. Après avoir régulièrement hanté les Alpes bernoises ou grisonnes, notre homme découvre l’Italie, puis l’Orient. Le train et les bateaux à moteur ont facilité les trajets. Et soyons justes, il semble avec le recul avoir été plus aisé de randonner dans l’Empire ottoman que dans la Syrie ou l’Israël actuels…
En plusieurs tailles
Ces pérégrinations se voient reflétées dans l’exposition proposée par Marie Rochel et Laurent Langer. A l’Helvétie succède un lointain que Veillon ne surcharge pas d’exotisme. Une chose qui ne l’empêche pas de sembler aujourd’hui «colonialiste». On reconnaît le grand cheval de bataille des nouvelles générations. Sur des murs colorés tranchant avec le blanc réservé au reste du musée, les deux commissaires montrent comment le peintre déclinait ses thèmes. Il existait plusieurs formats, comme de nos jours pour les boîtes de chocolats. La grande version d’atelier, très travaillée, multipliait les détails à l’intention de la clientèle aisée. La moyenne simplifiait la composition. La petite n’en conservait enfin que les grandes lignes. De toute manière, peu de personnages apparaissaient. Ils demeuraient en réalité des silhouettes. Presque des taches de couleurs.

Correctement présenté, l’ensemble apparaît très consciencieux. Très agréablement exécuté. Mais sans grande originalité, hélas. Veillon travaillait comme des centaines de ses collègues en Europe à son époque. Il lui manque du coup toujours le petit quelque chose retenant l’attention. Vous l’aurez compris. C’est de la peinture irréprochable, mais un peu terne. Légèrement ennuyeuse, en dépit de ses mérites. Genève (dont le MAH a prêté à Pully de nombreux Veillon) réussirait sans doute mieux son coup avec Etienne Duval, surtout si elle associait au peintre le collectionneur qui a tout légué au musée à sa mort en 1914. Mais là, il ne faut pas rêver. Nous sommes au Musée d’art et d’histoire parmi les commissaires vedettes revisitant les collections comme on joue avec un train électrique. Circulez, il n’y a (presque) rien à voir!
Pratique
«Auguste Veillon, Voyages au bord de l’eau», Musle d’art de Pully, 2, rue du Major-Davel, Pully, jusqu’au 18 juin. Tél. 021 721 38 00, site www.museedartdepully.ch Ouvert du mardi au vendredi de 14h à 18h, les samedis et dimanches de 11h à 18h. Le musée suggère sur son site de réserver son billet. Vu l’affluence, c’est se moquer du monde! L’exposition Veillon se voit complétée au second étage par «Du Nil au Léman, regards contemporains», conçu par Victoria Mühlig.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Exposition à Pully – Le peintre Auguste Veillon revient en grâce
Mort en 1890, le paysagiste vaudois apparaît très démodé depuis des décennies. Une rétrospective tente aujourd’hui de le réhabiliter.